Ils sont partout
4.3
Ils sont partout

Film de Yvan Attal (2016)

Le film d'Yvan Attal s'ouvre sur une réplique bien connue du Marchand de Venise, de Shakespeare, je cite « Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? ». L'ambiance est posée car il est exactement question de ça, cinq siècles plus tard, on en est encore là. Cinq siècles d'électricité, de vaccin contre la rage, de pied posé sur la Lune... de perche à selfie pour en arriver à devoir à nouveau faire une œuvre qui serai un plaidoyer contre la discrimination.


Le cinéaste rassemble autour de sa caméra un casting 5 étoiles, sans mauvais jeu de mot, pour cet exercice délicat qu'est l'introspection. Il parvient l'exploit de ne pas se perdre dans la mégalomanie alors qu'il porte entièrement le film à coup d'intermèdes chez son psy où il se pose des questions existentielles. Des questions que tout les juifs se posent, et la plus importante d'entre elles... Pourquoi ?
Ces intermèdes chez le psy rythment le film et sont ultra mises en scène, avec une approche cinématographique très posée et carré, contrairement aux sketchs à qui ils réservent un traitement différents à chaque fois, selon le genre auquel il appartient. On passe donc avec brio du film politique un peu sombre, à la satire sociale en caméra embarquée en passant par la case science-fiction.
Yvan Attal veut parfois nous perdre dans le documentaire avec des suivis de personnages à l'épaule et une voix off, mais aussi et surtout avec une mise-en-abime de notre monde, notre réalité. Il nous parle explicitement de Marine Le Pen, incarnée ici par la truculente Valérie Bonneton, le personnage d'Yvan Attal parle aussi à son psy de sa femme, il précise dans le film que sa femme est née de père juif, on comprend bien vite qu'il parle de sa femme dans le civil qui est Charlotte Gainsbourg, mais on nous montre aussi François Hollande en prenant tout simplement un comédien à la limite du sosie qui est Patrick Braoudé. Tout ceci évidemment **sans prononcer un seul de leur nom.**
Le traitement est donc **hyper réaliste**, mais il nous livre tout de même une comédie **absurde** frôlant parfois l'humour des Monty Python.
Il y a deux côtés à ce film, mais deux côtés d'**une même médaille**. Tout d'abord le côté **militant** évident. On dénonce l'antisémitisme, mais pas que. Le révisionnisme en prend aussi pour son grade dans le sketch décalé d'un agent du Mossad envoyé dans le passé pour tuer Jesus. On y dénonce les crimes crapuleux, avec une référence assumée à l'affaire Ilan Halimi. Le film nous expose aussi la culpabilité que ressente les juifs a simplement exister. Ce poids, ce fardeau, cette faute... ce nez. Yvan Attal s'en excuse même, on ne peut que rire face à l'absurdité d'un jeu si juste et si sincère quand un homme juif s'excuse au nom de tout son peuple pour une faute fictive qui a eu un effet boule de neige au fil des siècles. Vous l'aurez compris, le ton humoristique du film est bien sur l'autre côté de cette médaille. Tous les **clichés** y passent, tous traités avec l'**absurdité la plus totale**, l'argent, les médias, le communautarisme ainsi que le devoir de mémoire viscéral vis à vis de la Shoah.
Evidemment, comme tout film à sketch, il est inégal mais on retrouve ce défaut même dans les meilleurs films à sketch, que ce soit dans « *Paris Je t'aime* » ou encore dans « *J'ai toujours rêvé d'être un gangster* » le chef d'oeuvre de Samuel Benchetrit - ah « benchetrit » décidement ils sont partout- film dont le ton est proche de celui-ci. Paradoxalement, les sketch que j'ai le moins aimé sont ceux qui contenaient le plus de stars. Mais il est difficile d'en avoir aimé vraiment certains plus que d'autres, en fait il y a de bonnes et de mauvaises choses dans chacune des histoires, ce sont des films en fait, des véritables court-métrages, ce sont des pépites brillantes, avec leurs propres défauts, et elles mériteraient une critique chacune finalement. On peut noter quand même **une intervention très émouvante de Popeck** qui résonne particulièrement avec sa propre histoire puisqu'il a connu la seconde guerre mondiale.
A la fin, Yvan Attal s'adresse aux spectateurs, aux Français, au monde même, il brise le quatrième mur, ce qui achève ce film OVNI d'être complètement **innovant** dans notre paysage cinématographique, en plus d'être **un pari très risqué**.
Au final, c'est un film composé de petites histoires dans La Grande Histoire. Un film à la fois drôle et glaçant. Des histoires à la fois absurdes et terrifiantes.
On prend conscience que le titre, « ils sont partout » ne parlent pas des juifs mais des antisémites. Yvan Attal finit par poser la question de l'émigration en Israel des Juifs de France. Doit-on rester dans ce climat, se demande t-il. Et bien moi, je vous le dis, tant qu'ils seront partout, -les antisémites- **je suis nul part.**
Leah_Marciano
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le 4 juin 2016

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