Les histoires d'amour sont fades et décevantes aujourd'hui au cinéma. Tournées complètement vers les minauderies éculées à la guimauve ou les complications psychologisantes faisant gagner des minutes, les réalisateurs d'aujourd'hui ne s'axent plus sur le glamour d'une scène ou le soufre d'une apparition sensuelle. Cinquante nuances de grey a voulu faire de notables efforts en la matière (puisque c'était à la base son ambition), et s'est assez prévisiblement ramassé comme une loque dès qu'il s'agit de faire un peu plus que du cliché fade et désincarné. Seules la photographie et un peu la musique (et encore, des chansons comme Earned it ne peuvent s'apprécier vraiment que lorsqu'on déflore de la jouvencelle) étaient à sauver du désastre. Alors, en ces temps de pénuries, revenons dans les bonnes écuries de la Sexploitation, avec un étalon pur sang de haute compétition : Ilsa gardienne du Harem.
De vils arabes, des européennes sans défenses livrées à leurs fantasmes les plus pervers, du sang, de la violence gratuite, de la perversion, de l'exploitation (il ne manquait qu'une scène zoophile avec un étalon arabe)... Ilsa gardienne du harem reprend avec maestria les ingrédients qui ont fait le succès de Isla Louve des SS, et les réinscrivent dans le contexte oriental de l'histoire en recyclant absolument tous les clichés qui passent dans la tête du scénariste Langton Stafford (ce mec est un génie). Tortures, applications abusives de la Charia, harem à la fois raffiné et décadent (les obèses absolument immondes). Le politiquement incorrect de ses pellicules va même jusqu'à faire roter régulièrement les arabes, caricaturant leurs coutumes avec une beauferie si exubérante qu'elle en devient merveilleuse. Et par dessus cet océan de mauvais goût barbote Ilsa, dans son plus simple appareil. Ilsa, c'est le cliché de la blonde à forte poitrine, la Biatch suprême, qui passe son temps à rabaisser tout le monde quitte à briser gratuitement, mais n'attends qu'une chose : la soumission par un homme inflexible et puissant. Rôle taillé sur mesure pour notre américain de service, parfaite incarnation de l'étalon sans grande consistance autre que la fermeté de son membre (c'est son plan dès le départ, filer une bonne bifle à Ilsa). La trame sentimentale est absolument ridicule, et d'ailleurs, le film en est conscient, il va toujours à l'essentiel quand il place les deux personnages dans un même plan, qui doivent flirter grand max 5 minutes avant de s'arracher leurs vêtements et de baiser comme des sauvages (j'insiste vu les gros plans que se permet le caméra man, à se demander si ce dernier n'avait pas un penchant davantage pour l'étalon ricain Mike Thayer que pour Ilsa vu comment il filme sa croupe en pleine saillie).
Sur la question de la violence, le film va ici plus loin que son prédécesseur, mais le parfum de soufre est un peu moins fort, la nazixploitation n'étant plus de la partie. Toutefois, avec les polémiques récentes sur le racisme, découvrir Ilsa aujourd'hui est un enchantement vu la violence de ses caricatures d'arabes sadiques et misogynes. La violence d'ordre morale est là. Pour la violence physique, le film possède son lot d'ablations, d'explosions de bides, d'émasculation, énucléations, tortures à base d'insectes et autres joyeusetés. Souvent cadrées un peu à côté pour ménager le budget du film, mais en montrant suffisamment pour donner un goût méchant à la violence (les pieds rongés par les fourmis vous titilleront, et la réjouissante séance de combat contre les lesbiennes qui s'achève sur un sévice si intense que la victime s'en déchire les joues d'hurlements). C'est aussi la méchanceté gratuite des protagonistes qui donne aussi un goût particulier au film, car chacun commet, tôt ou tard, un acte de cruauté barbare absolument amoral. Ilsa en fait son quotidien, et son maître le check Akhim fait lui aussi de notables efforts. Cliché de l'arabe à barbe bichonnée gavé de pétrole sombrant dans la décadence de son harem (il passe tout son temps à se faire lécher par ses esclaves ou à les titiller avec un godemichet, vive le bon goût), il cherche sans arrêt à humilier ses semblables ou à les rabaisser des manières les plus cruelles possibles. Le prétexte de la tradition écœurante de l'œil de mouton se transforme en pique sadique de belle taille, et le grand nombre de victimes innocentes sacrifiées donne parfois quelques suées froides. C'est aussi en cela qu'Ilsa conserve son efficacité avec le temps, son usage de la violence, assumant totalement son caractère d'exploitation, avec toujours cette petite aura de choc imprégnée de racisme qui dérange tout en satisfaisant les bas instincts.
Le côté qui remporte complètement mon adhésion avec Ilsa gardienne du Harem est sa dimension fantasmée. C'est bien la nouveauté du film (moins présente dans l'opus précédent) qui lui fait transcender son simple statut de petite bande d'exploitation perverse en objet cinématographique véritable, aussi mauvais soient ses goûts (car on ne le cache pas, plus le mauvais goût est assumé et étalé, plus j'ai tendance à encourager, dans la mesure où le film garde une cohérence (Caligula est le poids lourd de la catégorie)). Ce film est un écrin fastueux pour nombres de fantasmes, essentiellement à caractères sexuels, distillés dans les moindres aspects du film. Le cadre du harem ne trompe pas. Les traitements des esclaves non plus. La jouissance sadique est toujours présente quand les tortures sont dévoilées. Les deux femmes de main d'Ilsa, Satin et Velours, négresses lesbiennes en coiffure afro sont des fantasmes exotiques typiques constamment exploitées dès qu'elles apparaissent à l'écran. Elles sont enduites d'huile pour le combat, c'est gratuit et totalement jouissif. Cette débauche de chair prend des allures plus fétichistes avec Ilsa (sa tenue à lacets), et avec elle, un soin notable apporté aux ambiances et aux plans. Ilsa gardienne du harem est un beau film. Les plans y sont propres (seules les séquences d'actions ont soufferts de la faiblesse du budget), l'éclairage travaillé, la photographie flamboyante... Le fantasme visuel s'appuie sur une facture technique qui va bien au delà du porno glam cheap. Et là, le spectateur est totalement libre de laisser son imagination s'emballer. Le film ose même aller dans la direction du fantasme homosexuel via l'intermédiaire d'un personnage secondaire tourné en ridicule, qui se retrouve avec un adolescent dans le lit sans pouvoir le renvoyer sous peine de le condamner à mort. Le film n'ose toutefois rien montrer, mais la complicité érotique un brin perverse et la consommation évidente du moment rajoute tout un pan de fantasme pas souvent exploité. Les tortures venant jouer leur petit rôle de réhausseur de perversité, la dimension charnelle d'Ilsa gardienne de Harem ne fléchit jamais, et malgré la banalité de sa trame principale, parvient toujours à conserver l'attention du spectateur, incapable de réprimer un petit sourire complice quand Ilsa plaque la tête d'une nouvelle recrue entre les cuisses de sa seconde en lui balançant "Lèche, Putain !".
Complaisance, mauvais goût, exploitation, fantasme, tous ces mots pas biens qui font peur se mêlent dans une orgie d'exotisme cliché, de bisserie gentiment raffinée (seule la musique est un peu faiblarde) pour donner un résultat résolument sympathique dont la violente gratuité se révèle finalement payante, puisque sa générosité dans l'exploitation semble sans bornes. Chiadant ses plans à plusieurs reprises de façon notable, toujours prompt à vouloir en donner à son spectateur en brossant dans le sens du poil (pas de rasées ici !), Ilsa et son réalisateur savent ce qui est bon, et que quand on n'a rien à révolutionner, on peut tout miser sur le capital sympathie et marquer un grand coup dans son imaginaire. Elégant objet qui se verra toujours mis au ban de la culture, Ilsa gardienne du harem saura survivre dans le coeur des cinéphiles, et Dyane Thorne dans l'imaginaire de tous les hommes. Ne vous méprenez pas, avec elle, l'enfer a un goût de paradis pendant qu'elle vous fait passer son purgatoire...