C'est d'abord la relation entre deux hommes, inattendue pour tous deux, qui provoqua la vie de couple et un dénouement final et Ô combien cruel. Séparés d'une femme mais aussi d'une mère, Cody et son fils souhaitent avant tout changer de vie. Rien de plus normal pour ce père et son fils, perdus dans un monde méconnaissable pour eux deux. Alors ils changent. Non pas leurs relations familiales ou amicales, mais de maison. Joey entre dans leurs vies en pleine tempête émotionnelle. Le regard fuyant et la mine fatiguée, Cody embrasse Joey au détour d'une phrase lors de l'un des nombreux flash-backs qui parcourent l'oeuvre. La simple visite d'un petit appartement provincial se transforme en vie de famille où les tabous sont dévorés, où l'amour passe avant tout.
Patrick Wang adapte l'épisode amoureux avec un regard futé, déplace quelques syllabes pour ne pas gouverner les sentiments d'un spectateur ébahi par un choc des cultures et ne va jamais trop loin pour ne pas déranger une "gêne" qui sommeillerait en nous.
Car oui, il prend son temps : ce n'est peut-être pas donné à tout le monde de pouvoir observer un homme dévasté par la perte d'un proche jeter une publicité par terre, jusqu'à que celle-ci se fasse récupérer par un fiston aimant et pas si naïf que ça, cette même action répétée plusieurs fois de suite...
Son drame est exceptionnel car il ne fait pas que de repasser sur les failles douloureuses : il les fouille pour mieux entreprendre la prochaine offense, pour mieux savoir appréhender l'un des nombreux questionnements douloureux en présence d'une "famille" haïssant et haïssable, ou plutôt ayant peur d'une différence qui la fustigerait sur place si elle tenterait de la comprendre ou, pire encore, d'y prendre soin pour ne pas fracasser certaines mentalités.
C'est ainsi que la connaissance de la perte dans un hall d'accueil vidé par l'heure tardive se fait encore plus dure encore, même chose pour les préjugés délivrés par un avocat et son rictus, dans un petit bureau de tribunal pour "affaires facilement classables", qui va jusqu'à demander au personnage maintenant devenu suspect si il a déjà ressenti des envies pédophiles.
La caméra est présente au plus près des personnalités pour mieux nous faire montrer les yeux brouillés par les larmes, les mains se renfermant les-unes sur les autres ou la multitude d'expressions que peut contenir un visage.
Malgré certains moments de vide inexpliqués, l'oeuvre, construite avec un respect total pour le désir pudique et la sincérité d'un être concernant sa construction mentale, allient avec un grand savoir-faire du sophisme mais aussi d'éthique la vie et son désordre naturel, donc la mort.
Et ce avec une très belle envie (ressentie tout au long) de faire du bon cinéma. Pour ça, Wang a parfaitement réussi son pari.