In the Mood for Love, c'est comme le jazz de fin de soirée, comme l'album posthume de Lester Young, c'est doux, mélancolique, mélodique, nostalgique, sensuellement essoufflé. La nuit envoûte, la spirale de la coupe de Maggie Cheung rappelle la sensualité tortueuse de Kim Novak dans Vertigo, les corps se frôlent, et la caméra fige le mouvement. Et ce n'est jamais poseur. Les acteurs s'arrêtent, mais ne posent jamais. C'est aussi ça, la pure magie du cinéma : contrôler le temps, les émotions. Le cinéaste fige le temps, les personnages réfléchissent dans la tourmente, la vie continue, les personnages ont fait le point de la situation. Ils se cherchent, ils se perdent, ils se retrouvent inlassablement. On pense à Resnais et à ses amants d'Hiroshima, à Marker et à sa passion pour le pays du soleil levant, à Godard et ses amoureux mythiques qui ne se comprennent pas. Nous sommes en 2000, une nouvelle ère cinématographique commence, Wong Kar Wai en revient aux fondamentaux : la Nouvelle Vague. Tout le film est empreint de la fraîcheur éternelle de ce mouvement, la musicalité des mouvements, le mythe inaltérable du désir, les conséquences du renoncement. La Nouvelle Vague a trouvé son représentant à l'extrême-Orient, qui immortalise son souffle, le met au goût du jour. Le réalisateur a trouvé son Georges Delerue, Trofanov, et sa nymphe, pour nous livrer un des plus beaux poèmes, nocturne en plus, doucereusement douloureux, et peut-être bien le plus beau film de la décennie qu'il inaugure magistralement.