Käutner mineur, mais toujours aussi intéressant dans le témoignage de l'Allemagne qu'il renvoie (en l'occurrence les années 30 et 40 vues depuis l'après-guerre), avec toute la douceur et la poésie qu'on lui connaît. Clairement la censure subie sous le régime nazi a contribué à lui conférer une certaine crédibilité dans cette période de reconstruction nationale, ce qui lui permet de faire le portrait nuancé d'un pays qui comptait lui aussi ses victimes du Troisième Reich — à une époque où la question de la dilution de la responsabilité ne se posait par encore, on peut donc éviter les procès anachroniques.
"In jenen Tagen" s'inscrit dans une tradition du cinéma allemand, celle des Trümmerfilme (encore un sous-registre dont les Allemands ont la secret) qui exploitaient, volontairement et involontairement, les décors de ruines laissées par la guerre, comme autant de déambulations dans des villes de vaincus avec un style cousin du néoréalisme italien par moments.
Le point de vue adopté est un peu artificiel et difficile à appréhender : on prend le parti de raconter l'histoire des 15 dernières années à travers l'expérience... d'une voiture qui parle. Elle répond tout d'abord, dans sa tête à elle, à l'interrogation de deux hommes se questionnant sur l'existence d'une humanité, au lendemain de la guerre, au milieu de ruines berlinoises. De 1933 à 1945, à l'occasion de 7 flashbacks distincts, elle raconte la petite histoire de ses 7 propriétaires. L'objectif est limpide, mais n'en reste pas moins touchant : montrer que oui, l'humanité a existé durant ces années d'ascension du nazisme et que ces quelques exemples prouvent que des gens ont su résister à la barbarie à leur manière. Portrait d'une résistance privée, contrainte, forcément passive, pour offrir un contrepoint à l'apparente acceptation de la société répressive d'alors.