Aujourd’hui, nous allons parler d'un petit bijou que j'ai eu la chance de voir grâce à Netflix. In Your Eyes raconte la rencontre psychique de deux êtres qui ne se sont jamais vus mais qui ont la capacité de partager leurs sens à des milliers de kilomètres. Dylan (Michael Stahl-David) est un ancien cambrioleur, un peu paumé dans une vie qui semble lui tomber dessus jour après jour. Rebecca (Zoe Kazan) est une femme mariée, bousculée par un monde en décalage avec sa personnalité loufoque et réservée. Ils vont, à l'aide de leur pouvoir peu banal, lier une relation très forte et fusionnelle, jusqu'à ce que les événements qui vont faire basculer leur vie les poussent à se rencontrer.
In Your Eyes fait partie de ces "comédies romantiques" qui basent tout sur l'idée d'une relation hypothétique, qui dans la majorité des cas n'existera qu'à la fin du film. Un concept pas si commun que ça, où Cornillac y a sûrement laissé quelques dents dans Un peu, beaucoup, aveuglément ! D'une part grâce à la technologie, car ici la science-fiction est amenée par un "pouvoir" qui les connecte tous les deux, d'autre part par un idée très forte, celle de les opposer pour mieux entretenir la frustration de la distance et de l’irréel. Et pourtant, Brin Hill, dans son tout premier film semble être bien loin du virtuel et tente de rendre concret l'abstrait. Un rendu somptueux.
Je voyais quelque chose de réel.
Cette réplique est très forte car elle apparaît alors que tout sépare les deux amants platoniques. D'un aspect charnel qui n'existe pas, ils vont s'inventer une petite bulle qui saura retranscrire toutes les émotions d'un réalisme exacerbé, comme c'était le cas dans Her. Lorsque la frustration de la distance liée à l'aspect science-fiction du film est trop grand, quelques plans d'une nature en fusion viennent rattraper les deux amoureux pour contrebalancer les impossibilités techniques de leur amour. Quand la vie les asphyxie, et qu'il faut s'accrocher au présent comme dans le fabuleux Eternal Sunshine of the Spotless Mind, le temps bouleverse leurs amours impossibles. Il traîne ses rêves sous les reflets scintillants d'espérance du soleil, tandis qu'elle ensevelit son quotidien réducteur et difforme sous une neige épaisse et sans cesse présente. Une communion, quand les flocons tombent sur leur désinhibition. Une autre, quand les rayons du soleil côtoient enfin l'ardeur de la glace, dont Ethan Frome n'aurait pas renié l'incandescence.
La meilleure chose, la seule chose que j'aime en moi, c'est toi.
In Your Eyes est un film d'une sensibilité remarquable, jamais rattrapé par les limites de sa réalisation et les partis pris inhérents aux romances dramatiques. Evidemment, il se permet quelques faux pas, comme certaines incohérences dues à leurs histoires respectives de cambriolage et de psychiatrie, la course-poursuite de fin ou encore la présence hautement dispensable de Nikki Reed, nouvelle coqueluche des adolescents qui n'apporte qu'une énième image éculée de la nana au fond du bar aventureuse mais pas trop. Tant de détails qui ne scellent en rien la magie de cette rencontre ; elle fait ressortir le plus beau en nous, le plus éclatant, une admiration pure, profonde et physique, comme dans les scènes en mélodies de Sense8. Alors on se met à croire à la naïveté pleine de charme de Zoe Kazan, la très étonnante et lunaire Ruby dans Elle s'appelle Ruby, et au repentir du touchant Michael Stahl-David, héros de Cloverfield, qui livre ici une prestation sobre et efficace, un one shot qui sans doute sera renouvelé, c'est du moins ce que j'espère.
Alors, entre deux-trois clichés et deux-trois mille fondus, je vous conseille ce In Your Eyes à la simplicité ravageuse, où deux âmes s'embrassent et s'embrasent au détour d'une effervescence sans circonstances ni excuses. L'espace d'un instant, ils font un peu plus que respirer ; ils existent.