Un an à peine après son film au succès mondial Sixième Sens, M. Night Shyamalan se lance dans un sujet qui l'a toujours passionné, faisant partie intégrante de la culture populaire américaine : la mythologie super-héroïque. En 2000, le film de super-héros est mort et enterré depuis les méfaits de Joel Schumacher sur la saga Batman – on ne sait au juste si, avec Batman & Robin, il a tenté de faire un hommage raté à la série des années 60, de réaliser un hymne à la culture gay ou de tout simplement ruiner la franchise – et seul Bryan Singer et la Fox y croit encore et commence à tourner leur X-Men. De son côté, Shyamalan tente redonner ses lettres de noblesse au comics au cinéma, se rapprochant du réalisme d'un Frank Miller.

La grande force de Shyamalan dans ce film, au contraire des sagas Marvel ou DC – jusqu'au Dark Knight de Nolan – a été de destiner un film de super-héros non pas à des enfants mais à des adultes. Ici pas d'explosions, de super vitesse ou de combats titanesques. Le seul combat qu'on aura verra Buce Willis (rappelant qu'il sait aussi jouer des rôles dramatiques) affrontant un tueur, détruisant au passage un ou deux murs en contreplaqué. A côté de la scène d'ouverture d'X-Men 2, on pourrait se demander si c'est réellement un film de super-héros. Mais si l'intérêt ne se porte pas sur le côté puéril et régressif des comics, c'est que Shyamalan s'attarde plus sur les tourments des deux personnages principaux (le divorce, l'handicap, l'obsession), méthode déjà à l'oeuvre dans son précédent film.

[La suite contient des spoilers, be warned.]
Samuel L. Jackson joue à la perfection son personnage d'être solitaire, tellement abattu, écrasé par le regard des autres, qu'il en devient schizophrène et ne vit que pour trouver son ennemi, sûr qu'il découlera de cette lutte un sens à sa vie. La scène de dénouement et de la divulgation, séquence ô combien attendue depuis Sixième Sens, même si elle peut ne pas autant surprendre que son prédécesseur (les critiques de l'époque disaient être déçus), semble être présente plus par un soucis de finir le film sur un suspens (peut être inutile en l'état mais cependant maitrisé) qu'une volonté propre du réalisateur.

C'est dans la réalisation que Shyamalan semble davantage désirer s'épanouir, illustrée par de nombreux plans séquences magnifiques, comme cette scène dans le train, la caméra (et le spectateur, incarné ici par une petite fille) essayant de glisser un regard entre deux sièges sur ce spectacle apparemment simpliste, une fois de plus accentué sur les rapports humains plutôt que sur l'évènement en tant que tel. Le cinéaste exploite alors toutes sortes de motifs récurrents, parmi lesquels celui du miroir (la scène d'introduction, où le regard du spectateur se perd, le reflet d'Elijah dans une glace protégeant une comics mettant en scène une lutte super héroïque) avec tout ce qu'il représente : le dédoublement, l'inverseur de vérité, les os d'Elijah, fragiles comme du verre... L'autre grand motif d'Incassable, c'est son utilisation des couleurs et leur signification. Des flashs de Dunn, en noir et blanc, mettant en valeur la seule couleur des vêtements des malfaiteurs (jaune, rouge), de plus en plus vive au fur et à mesure qu'il apprend à les maîtriser, à l'antagonisme des personnages (violet pour Elijah, vert pour David), Shyamalan travaille dans la droite lignée des codes du comics. Mais, de ce côté, le caractère le plus fouillé est peut être cette atmosphère bleutée et lugubre, pouvant autant faire penser à un étrange reflet de l'eau (référence au point faible du "héros") qu'à un effet glacé, tel les pages d'une bande dessinée.

Peut être la plus belle lettre d'amour aux comics.

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le 18 avr. 2012

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obben

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