En s’immergeant dans la préparation d’une œuvre titanesque produite pour l’Opéra de Paris, ce documentaire traite avec nuance et intelligence les questions de territorialité sociales et culturelles.

Les Indes Galantes, c’est le titre d’un opéra-ballet composé par Jean-Philippe Rameau en 1735. Près de trois siècles plus tard, le metteur en scène Clément Cogitore souhaite relire cette œuvre sous une perspective contemporaine et y convoque de la danse urbaine (entendez krump, flexing, break, hip-hop, voguing…). Pour ce faire, il s’associe avec la chorégraphe Bintou Dembélé et sa compagnie la Rualité, connue pour ses démarches qui questionne les inégalités dans la société.

C’est une double mise en abyme que propose ce passionnant documentaire. Premièrement, il suit des créateurs artistiques qui souhaite bousculer, voir même révolutionner la mise en scène d’un spectacle séculaire, initialement conçu pour la cour du roi. La plongée dans la préparation méticuleuse de cet opéra est passionnante. Loin de ne se concentrer que sur les répétitions des danseurs, le film rappelle à quel point un opéra est un colosse constitué avec minutie de micro-détails : la caméra de Philippe Béziat s’attarde sur les costumes, les décors, la scénographie et évidemment la musique. Grâce un simple travelling, on perçoit la démesure de la scène et des coulisses de l’Opéra de Paris.

Mais Indes Galantes devient bien plus qu’un simple making-of lorsqu’il questionne la démarche même de convoquer ces danseurs « de rue » pour un spectacle destiné à une certaine élite française, celle qui a remplacé la cour du roi. Le film – et plus particulièrement les danseurs – ne sont pas dupes. Alors que le metteur en scène de l’opéra voit son geste comme une reconquête de la Bastille, eux se sentent « invités ». Peut-on être « invités » à faire la révolution ? En abordant ouvertement cette problématique avec nuance et intelligence, le film trouve un parfait équilibre entre le témoignage sur la création d’une œuvre ambitieuse et l’enquête sociologique sur les territorialités sociales et culturelles.

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le 1 sept. 2022

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