1957. Alors que la Guerre Froide bat son plein, Indiana Jones (Harrison Ford, toujours vaillant) est capturé par une troupe de Soviétiques, dirigée par la froide Irina Spalko (Cate Blanchett), afin qu’il les aide à retrouver la trace d’un mystérieux crâne de cristal, supposé les mettre sur la voie de la mythique cité d’Akator, plus connue sous le nom d’El Dorado…


19 ans après, alors qu’on ne l’attendait plus, Indiana Jones revient ! Cela faisait pourtant depuis 1994 que le film était en gestation, mais de nombreux désaccords égrenèrent son parcours, et Spielberg continua à nous régaler de chefs-d’œuvre pendant ce temps…
Ce qui était sûr dès le début, c’était l’introduction de soucoupes volantes dans le scénario : George Lucas y tenait et, lui-même attaché au genre de la science-fiction, Steven Spielberg ne pouvait le lui refuser. Si l’influence du serial (principe du roman-feuilleton adapté au grand écran) a toujours été prédominante sur la saga Indiana Jones, celle-ci n’a jamais flirté avec la science-fiction. Ce choix est pourtant d’une évidence certaine, découlant logiquement du choix scénaristique (peut-être forcé, au vu de l’âge d’Harrison Ford) de transposer le délai entre les films tel quel dans le scénario : ainsi, les 19 ans écoulés depuis le scénario d’Indiana Jones et la dernière croisade projettent notre héros favori en 1957, en pleine Guerre froide.
Choix judicieux, s’il en est, tant cela permet au récit de se renouveler avec une jubilation communicative. L’époque est merveilleusement retranscrite par la caméra affûtée de Spielberg, et c’est avec un plaisir non dissimulé que l’on se plonge dans ce contexte si particulier, envahi par la paranoïa et la menace communiste.


Si la séquence d’introduction ne prend pas, selon la tradition de la saga, la forme d’un récit dans le récit, mais embraye directement sur le scénario lui-même, elle immerge totalement son spectateur en nous montrant que Spielberg n’a rien perdu de son génie visuel. Le chef-opérateur Janusz Kamiński, qui a fait merveille sur tant de films du grand réalisateur, prend très dignement la succession de Douglas Slocombe et se plaît à sa suite à multiplier les plans iconiques, marqués par de savants jeux d’ombre et de lumière, qui ne sont pas sans rappeler son travail précédent sur La Guerre des mondes, un de ses plus beaux travaux. Comme toujours dynamisée par le montage sans faille de Michael Kahn, la photographie épouse au mieux l’action, comme l’illustrent notamment la scène du cimetière d’Orellana, où la caméra devient aussi bondissante et insaisissables que les invisibles autochtones, ou encore celle des fourmis rouges qui, sans basculer dans une caméra subjective de mauvais aloi, nous ramène régulièrement au niveau des minuscules créatures. A cette image, Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal témoigne d’une mise en scène proprement irréprochable, clairement au niveau des autres volets.
Au niveau des acteurs, ce quatrième épisode se voit également doté sans doute du plus beau casting de la saga. Cate Blanchett est glaçante dans le rôle de cette femme venimeuse et fanatique (aspect renforcé par son thème musical serpentin à souhait), tandis que Shia LaBeouf campe un fils très crédible pour Indiana Jones et que John Hurt et Ray Winstone se montrent à leurs aises dans les rôles respectifs du fou et du salaud de service. Le vieillissant Harrison Ford incarne un Indiana Jones à peine fatigué et toujours plein de panache, tandis que c’est un plaisir de retrouver une Karen Allen au charme intact.
C’est d’ailleurs à ces deux derniers que l’on doit peut-être les meilleures scènes de ménage vues sur grand écran, tant leurs disputes de couples qui surgissent au beau milieu d’une scène d’action, quand c’est le pire moment, sont aussi inoubliables qu’hilarantes.


Il faut toutefois en arriver à un moment ou à un autre au point le plus litigieux du film : le scénario. Une grande partie du public, à la mémoire courte, a tôt fait de catégoriser David Koepp parmi les pires scénaristes existants, oubliant qu’il est quand même derrière un certain nombre de grands films (Snake Eyes, Jurassic Park, Mission : Impossible, Spider-Man, La Guerre des mondes, etc.). C’est dire qu’il connaît son métier, et il le fait encore ici avec beaucoup de professionnalisme, quoi qu’on en dise. Certes, le scénario est parfois un peu lâche, et le final manque singulièrement d’enjeux pour les personnages principaux, inactifs pendant le climax du film.
On pourra regretter quelques facilités (telles que le crâne de cristal qui sert aussi bien à éloigner les fourmis ou les hommes qu’à ouvrir les portes… ce qui paraît toutefois plus cohérent quand on comprend qu’il émet sans doute des ondes spécifiques), mais dans l'ensemble, le scénario est très bien ficelé, n’hésitant pas à faire preuve d’une certaine profondeur. Par exemple, on appréciera tout particulièrement la manière dont sont dessinés les communistes, dont le fanatisme confine presque à la religion inavouée. Le parallèle effectué entre les peuples primitifs et les communistes, tous deux prêts à voir dans ces extraterrestres une nouvelle forme de divinité donnant corps à leurs croyances (formidable scène où Irina Spalko s’extasie du fait que tous les extraterrestres partagent une conscience commune, justifiant par là le bien-fondé du totalitarisme stalinien) est par exemple très pertinent.
Par ailleurs, les esprits chagrins reprochent parfois à Spielberg son sens de l’excès, estimant qu’il est plus aberrant de voir Indiana Jones échapper à une explosion nucléaire dans un frigo que de le voir sauter d’un avion en canot pneumatique (Indiana Jones et le temple maudit). Ce serait se révéler particulièrement fermé d’esprit et donc se montrer insensible au second degré permanent du film, qui s’amuse sans cesse de ses propres codes, confinant certes parfois à la parodie (Shia LaBeouf jouant à Tarzan dans la jungle) mais sans jamais trahir l’essence même de la saga.
Cette générosité que d’aucuns trouvent excessive qui sera la marque de fabrique du futur (et génial) Tintin de Spielberg est pourtant une des grandes caractéristiques de son réalisateur, qui nous offre un grand nombre de morceaux de bravoure tout aussi mémorables que les films précédents de la saga, tels la poursuite dans la jungle et la scène des fourmis carnivores qui s’ensuit, qui ont tout pour être franchement cultes.


Le seul reproche un peu plus sérieux que l’on pourrait finalement adresser au film concernerait ses effets spéciaux : ceux-ci sont très honorables, mais l’emploi du numérique est parfois trop voyant, notamment au niveau de certaines incrustations de personnages dans le décor. Il est à noter que les films précédents de la saga avaient eux aussi recours à quelques effets spéciaux un peu voyants, ce qui n’entachait en rien leur extrême qualité et contribuait même à leur charme, un charme que perpétue finalement ce quatrième épisode dont la grande majorité des effets spéciaux se montre néanmoins de grande qualité et jamais honteux.


Enfin, puisque l’on ne peut (et ne veut) pas terminer une critique sur un film Indiana Jones sans parler de son admirable compositeur, il faut encore dire et redire combien le génie de John Williams sur cette saga touche à son apogée. A mi-chemin entre les bandes-originales des précédents films et celle (merveilleuse) du prochain Tintin de Spielberg, John Williams déploie encore une fois toute l’étendue de son talent au travers de nouveaux thèmes fascinants (celui d’Irina Spalko et de Mutt Williams en tête) et très mémorables. Si l’on peut trouver que ce quatrième épisode n’est pas tout-à-fait au niveau de ses trois illustres prédécesseurs, sa bande-originale, elle, les égale sans vergogne !
Il est dommage que le public, passé à autre chose, ait décidé dans une étrange unanimité (ou quasi-unanimité) que ce quatrième épisode ne méritait rien d’autre que son mépris. Cet étonnant manque de confiance envers un réalisateur pourtant adulé est pourtant peut-être bien révélateur d’une chose : à l’ère des super-héros et des blockbusters sans âme, le public, toujours plus décérébré, ne veut plus de ces divertissements à l’ancienne qui ont fait leurs preuves et préfère se repaître d’une overdose de numérique dans des films sans caractère : on a toujours le cinéma qu’on mérite…
Terminons tout de même sur un pari, peut-être osé. Dans 50 ans, d’Iron Man ou d’Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal (pour prendre des films de la même année), qu’est-ce qui restera le plus ancré dans la mémoire collective ? L’auteur de ces lignes a parié. On en reparlera dans 50 ans.

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le 2 avr. 2020

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Tonto

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