Autant le dire tout de suite : je m'attendais à un petit documentaire bien orienté sur la "micro-industrie" du jeu indépendant... et au final, je suis sorti tout ébranlé du visionnage d'un strip-tease-like de créateurs passionnés, à un moment clé de leur vie.
Alors oui, on peut voir le montage, et l'ambiance confinée du film, comme favorisant vulgairement le drama autour de ces concepteurs bien choisis... mais personnellement ça ne m'a pas dérangé outre mesure. Parce que derrière les plans serrés, derrière la musique mélancolique... il y a une sincérité immense dans les yeux de ces quatre-là. Et ils nous transmettent un message éclatant, qui devrait être diffusé à tous ceux qui en doutent... le jeu vidéo est un art à part entière. Parce que ces gars derrière leurs écrans, ce sont des artistes au sens propre. Et s'il y a des artistes, il y a de l'art.
Voici ce qui me permet de les qualifier ainsi. Un artiste se projette personnellement et complètement dans son œuvre, pour en faire quelque chose de profondément intime. Celle-ci doit être idéale, elle doit incarner son âme. Un artiste s’oublie, se sacrifie pour créer, jusqu’à mettre de côté sa vie sociale. Un artiste est libre dans sa tête, mais contraint par des règles exogènes. Un artiste a une sensibilité prononcée et réagit souvent de façon excessive lors de son processus de création. Un artiste n’est satisfait que dans la douleur ou l’effort.
Tous ces éléments – et bien d’autres ! – on les retrouve dans « Indie Game : The Movie », à travers les portraits de ces fous furieux qui consacrent des années de leur vie à une création personnelle, sans aucune garantie de succès… mais juste parce qu’ils ont besoin de créer.
Quand Jonathan Blow est au bord de la dépression parce que les joueurs les plus basiques ne voient dans Braid qu’un bonhomme en costume qui saute sur des plateformes, et ne comprennent rien à ce qu’il a injecté comme émotions dans son jeu… c’est comme un écrivain dépité parce que les lecteurs prennent son histoire au premier degré.
Quand Phil Fish voit son jeu bugger en permanence lors d’un salon public à Boston… c’est comme un sculpteur qui voit ses statues mal éclairées et abîmées lors d’un vernissage.
Quand Tommy Refenes se massacre la santé en compensant son alimentation aberrante par des shoots d’insuline… c’est comme le peintre qui s’intoxique à l’alcool et au tabac, sans manger ni dormir, tant que sa toile n’est pas terminée.
Et quand Edmund McMillen… euh… eh bien finalement c’est le plus « normal » de tous… ;) Plus sérieusement, il est en permanence entouré de sa famille et de son épouse, soutenu… ce qui lui permet de mieux rester les pieds sur terre, même si son esprit est ailleurs.
Bref. Regardez des documentaires sur des musiciens ou d’autres artistes, pris sur le vif… vous verrez que c’est la même chose. Des créateurs qui se transcendent à travers leur Art.