Les jeunes filles perdent leur innocence lorsqu'elles se rendent à l'extérieur trop tôt. Sinon elles finissent par la perdre parce que leur corps se transforme à leurs yeux et aux yeux du monde.

Le film est essentiellement porté sur la nature d'une jeune fille et il est ainsi à rapprocher de mon point de vue concernant Virgin Suicides (absolument défavorable pour faire court). Pour autant, le cérémonial, toute cette pression préventive et le rite de passage sont des éléments intéressants pour qui se fascine pour la puberté (en amont, pendant la puberté et en aval).

Ayant lu à Carrefour il y a peu la biographie de Nadia Comaneci écrite par Lola Lafon ("La petite communiste qui ne souriait pas"), je reviens pour écrire sur ce film pour dire combien certaines qualifications peuvent être extrêmement désobligeantes et parfois humiliantes pour l'intégrité de femmes en devenir. Je veux bien entendu parler de ces élans, souvent hétérosexuels, qui se permettent de s'attarder sur la chair plutôt que l'esprit. Si une femme s'attarde ne serait-ce qu'une seconde sur la chair d'un garçon, au point de le lui faire remarquer, soyez certain(e)s qu'il va y réfléchir à deux fois, et encore deux fois dans ses vicieuses arrières-pensées. Ce sont ces élans qui m'intéressent, ces élans "amoureux" vers des trous noirs qui absorbent toute l'attention sexuelle et sociale.

C'est sans doute ce versant là qui lui vaut d'être plus appréciable en dépit de sa base pourrie. C'est aussi un constat qui est le parfait exemple de la démonstration par l'absurde : en créant un univers où ne règne que la sororité et la nécessité, l'évolution de chaque cas et leurs expériences intérieures peuvent prévaloir sur la détermination de l'être (ici, de l'être féminin).

Combien de films extrêmement tristes se sont révélés être de parfaites odes au bonheur, à la joie ? Innocence appartient à ce genre de film. Il fait parti des films comme Melancholia ou La vie est belle. Celui-ci réussit en plus le pari, malgré une forme et un jeu très problématique, de ne pas faire un rendu trop plombant - grâce à ses rites bureaucratiques, jeux, mystères et codes couleurs rigides.
Andy-Capet
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le 31 janv. 2014

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