Premiers pas sur les terres US pour Refn, et four abyssal qui mit en faillite sa société de production, Inside Job fait preuve d’une ambition démesurée. Ce troisième film, entre le réussi Bleeder et avant un retour aux deux volumes suivant de Pusher, investit les terres du Wisconsin en convoquant la crème du prestige : Turturro au casting, Hubert Selby Junior à l’écriture, Brian Eno à la musique et …., le chef op de Kubrick à la photographie. Excusez du peu.
Tout ce beau monde n’empêche nullement le cinéaste de se planter. Inside Job a tout du film boursouflé et qui pêche par excès de gourmandise. Le scénario, qui laisse longtemps planer de larges zones d’ombres sur une enquête mêlant deuil, amour et vengeance, est dans un premier temps plutôt séduisant. De beaux travellings dans un centre commercial, une lecture obsessionnelle des bandes de vidéo surveillance jouent sur un double discours visuel : la beauté du cinéma opposé à l’illisibilité de la VHS, les mouvements classieux aux plans fixes et voyeuristes. Très vite, néanmoins, la saturation guette dans ces jeux poussifs de mise en abyme : citant abusivement le Blow Up d’Antonioni, usant du prétexte des cauchemars et des hallucinations pour expérimenter des images fantasmatiques (une main, un visage écrasés dans une sorte de toile cirée rouge, des trips visuels psychédéliques), Refn se perd un peu, anticipant sur la justesse qu’il trouvera dans Bronson, et les effets excessifs qui satureront Valhalla Rising.
Alors qu’il tournera entre temps Pusher 2 et 3, qui reviennent à une esthétique plus naturaliste, Refn met en effet en place de nombreux thèmes à venir. La fascination pour les couloirs et leur velours rutilant, motif récurrent d’Only God Forgives, cotoie le motif de la rencontre dans l’ascenseur, fameuse scène de Drive. Lenteur, obsession, introspection et confusion entre réel et rêves lorgnent aussi très clairement sur les terres de Lynch et de son séminal Lost Highway, que ce soit pour les bandes vidéo ou les corridors obscurs dans lesquels on s’enfonce.
La principale limite est celle du scénario. Il est tout de même très facile de jouer sur les zones floues d’un fantastique qui ne dit pas son nom pour justifier des errances de l’intrigue. Enquête grossière, ébauches de révélations plus décevantes les unes que les autres jalonnent un récit qui ne cesse de s’enliser et recourt de plus en plus aux décrochages, sans qu’on comprenne réellement où il souhaite aller. Faire de belles images ne suffit pas : une problématique qui hante encore le formaliste hors pair qu’est Refn.
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