Seul long à ce jour de Michael Walker, Chasing Sleep est un petit film Canadien sans prétentions où Jeff Daniels joue le rôle d'un quadra prof d'université, qui se réveille une nuit étonné que sa femme ne soit pas rentré au domicile conjugual. Dès lors, il va sombrer dans une longue insomnie des jours durant, à attendre le retour de son épouse.
Sorti en 2001, et malgré le prix spécial du jury à Gérardmer, le film est passé assez inaperçu, et semble avoir malheureusement sonné un peu trop vite la fin de carrière de Walker. Et quel gâchis. Car comme souvent dans le cinoche, le manque de moyens et de budget évident laisse libre court à la créativité dans l'écriture et la mise en scène. Hypnotique, c'est le mot qui convient le mieux, car Walker arrive avec le formidable Jeff Daniels à captiver l'attention crescendo sans jamais laisser planer l'ombre de la monotonie. Ce qui pourtant aurait pu être facilement atteint lorsqu'on résume le film à suivre les insomnies d'un mec pendant plusieurs jours enfermé chez lui.
Car Chasing Sleep c'est avant tout un huis-clos. La caméra ne s'évade jamais durant toute la durée du métrage hors des murs de la petite maison du couple. Comparable par bien des égards à certains films explorant le fourvoiement du psychisme (L'antre de la folie, L'échelle de jacob...), Walker entraine son personnage et le spectateur à sombrer de plus en plus dans une folie hallucinatoire au fur et à mesure que les heures sans sommeil s'enchainent à l'écran. Réaliser un film fantastique sans un sou est donc toujours possible puisque, de ce manque de moyens, Walker fait une force, et plutôt que de cracher des cgi qui couperaient l'herbe sous le pied à l'imagination, le monsieur préfère soigner ses cadres, travailler le jeu introspectif de son comédien et s'attarder sur certains éléments de décor évocateurs. Une mise en scène fauchée, mais travaillée et visiblement pensée idéalement pour son sujet.
A l'image de la réalisation, l'écriture (elle aussi assurée par Walker) semble autant inspirée par une envie de prendre son temps et de ne pas se disperser. Le spectateur apprend à s'habituer à partager l'intimité du professeur insomniaque qui a perdu sa femme. Insidieusement, la folie qui s'installe reste toujours très subtile et progressive. Sachant parfaitement installer de plus en plus un malaise et un sentiment de claustrophobie au spectateur, contraint au final de partager les longs jours éveillés de Jeff Daniels. Jusqu'à un twist final, qui bien que prévisible, est très bien amené et n'essaie jamais de prendre son auditoire par derrière à la Shyamalan.
Chasing Sleep fait donc partie des bonnes surprises (Gérardmer ne s'y était pas encore trompé). Si le traitement singulier du film laisse penser pendant les 15-20 premières minutes qu'on risque très vite de trouver un remède à l'insomnie, Walker réussit un joli coup en captivant de façon hypnotique pendant plus de 100 minutes sur trois personnages et deux pièces de décor. Et ça sans se branler intellectuellement sur un quelconque dogme ou des cgi à 100 millions de dollars. Classe.