Institut Benjamenta est un chef d’œuvre esthétique, la manifestation d’un art poli et raffiné à l’état pur à travers un long métrage. « Brillance des éléments humides, rais de lumière dans la poussière, fumigènes éclairés, fausse neige tourbillonnante, reflets scintillants, flous, transparences » telle est la liste non-exhaustive des effets du film brillamment dressée par Limguela_Raume dans sa critique. Ce film en noir et blanc met à l’honneur les jeux de lumière et d’optiques. Institut Benjamenta surprend donc en premier lieu par la maîtrise minutieuse d’une multitude de techniques propres au septième art. L’esthétique de ce long-métrage relève de l’œuvre d’art et la bande originale, composée d’échos dissonants, ne fait que renforcer l’atmosphère envoûtante qui l’habite, sonorités qui font par ailleurs écho aux compositions de Nino Rota dans Le Casanova de Fellini. On en oublierait presque le jeu des acteurs, qui relève pourtant d’une finesse rare, témoin d’une grande sensibilité. Car Institut Benjamenta est en partie un film d’atmosphère dont l’ambiance inquiétante voire magique n’est pas sans rappeler l’univers onirique de David Lynch avec ses figures muettes et intrigantes. 
Mais ne nous y trompons pas : si Institut Benjamenta brille en premier lieu par son esthétique, l’œuvre n’en est pas moins riche en réflexions et en symboles. Là où certains verront un semblant de surréalisme insignifiant, d’autres saisiront l’essence ésotérique du film : références bibliques à Satan et Jacob en passant par Jésus mais aussi païennes avec l’entité du cerf qui n’est pas sans rappeler la figure du Dieu cornu. Institut Benjamenta présente aussi toutes les caractéristiques d’une œuvre à vocation psychanalytique, le concept de refoulement se retrouvant dans le personnage de Lisa dont la sexualité refoulée va être sublimée tout au long du film. Nous retrouvons le même cas de figure psychanalytique à travers le personnage de Mme Monteil dans Le journal d’une femme de chambre de Luis Bunuel, qui là aussi est une lecture psychanalytique des rapports qu’entretiennent diverses figures à leurs frustrations et désirs et de la manière dont ils assument ou refoulent ces derniers. Les diverses allusions aux contes cultes que sont Blanche-Neige, Alice au pays des merveilles ainsi que La belle et la bête tendent à justifier l’intérêt d’une telle approche psychanalytique pour Institut Benjamenta, les contes de fées constituant un capital symbolique cher aux psychanalystes comme en témoigne l’incontournable Psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim. Par ailleurs, on saisit mieux la pertinence de ces références lorsque l’on se penche sur la bibliographie de Robert Walser, auteur de prédilection de Franz Kafka à ses débuts, à l’origine de L’institut Benjamenta. Effectivement, ce dernier a rédigé un ouvrage s’intitulant Blanche-Neige, à la frontière entre poésie, philosophie et psychanalyse en s’appuyant sur l’illustre conte des frères Grimm. Insitut Benjamenta fait également écho en de nombreux points au Hansel et Gretel du réalisateur coréen Yim Pil-sung, constituant un terrain fertile en psychanalyse. Le film revêt aussi une dimension philosophique, soulevant une réflexion portant sur les rapports entre maîtres et élèves mais plus généralement sur la notion de Liberté que l’on pourrait aisément relier à la Dialectique du maître et de l’esclave de Hegel tant le sujet est traité avec finesse dans ce long-métrage. La question du rapport que l’on entretient vis-à-vis de nous même et de la réalité est aussi évoquée dans Institut Benjamenta, ce qui témoigne d’un véritable foisonnement intellectuel.
Un film par essence élitiste, certes, mais pour celui qui sait le décrypter il est bel et bien question d’une œuvre cinématographique qui touche l’Art à son plus haut degré.
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le 11 janv. 2020

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