Un océan tranquille
Intérieurs présente quelques-uns des thèmes récurrents de l’œuvre de Woody Allen : le divorce, la confrontation des carrières, l’artiste impuissant, les obsessions de l’écrivain, l’angoisse de la...
Par
le 3 août 2017
7 j'aime
1
Après une poignée de films à travers lesquels Woody Allen promenait son air étourdi de petit bonhomme maladroit enchaînant les situations burlesques les plus drolatiques ( Bananas, Woody et les Robots et surtout l'excellent Guerre et Amour, point d'orgue de cette courte première période sus-citée...) le célèbre cinéaste juif new-yorkais signe quelques films aux antipodes du slapstick en partie hérité de son passé de gag-man télévisuel : ce seront d'abord le très psychanalytique Annie Hall - un film éminemment personnel et premier parangon de la comédie sophistiquée façon allenienne - et surtout le magnifique Manhattan - petit monument magnifié par la photographie quasiment anthracite de Gordon Willis et la Rhapsody in Blue de Georges Gershwin inaugurant ladite œuvre...
Entre ces deux références pratiquement incontournables pour qui se penche à corps perdu par-delà la filmographie prolifique et imperturbablement régulière de Woody Allen ( un film par an en moyenne depuis ses débuts au crépuscule des années 1960 ) un film : l'étonnant et très intimiste Intérieurs, hommage non-feint au grand réalisateur suédois Ingmar Bergman duquel Woody Allen reprend la cruauté psychologique et les dispositifs scéniques débarrassés de tout superflu. Filmé près de l'os, intimiste voire même introspectif dans ses meilleurs moments Intérieurs figure à bien y revoir parmi les belles réussites du futur auteur de Hannah et ses Soeurs et de Match Point. Scènes de la vie familiale de trois sœurs et de leur père fraîchement énamouré d'une femme toute en rondeur spirituelle et aux dehors vénaux puis inconsistants in fine ce superbe long métrage n'en finit pas de brosser toute une peinture de la médiocrité existentielle de ses protagonistes humains, très humains, trop humains.
Entre la soeur intellectuellement aguerrie incarnée par la classieuse Diane Keaton, sa cadette moins reconnue que la troisième davantage dévergondée et séductrice Woody Allen montre une bourgeoisie perdue dans les déserts balnéaires de la Côte Est américaine, astucieusement appuyée par la photographie de Gordon Willis qui n'hésite pas à jouer sur les notions de pénombre et de sous-exposition susceptibles de déployer toute une morosité morale et psychologique. Nous sommes presque de l'autre côté du prisme colorimétrique du chef d’œuvre Cris et Chuchotements, dans cette atmosphère terne et quasiment aphone générant une certaine ironie mâtinée d'empathie et/ou d'identification à l'encontre de cette famille entretenant ses multiples vanités et autres préoccupations personnelles par peur d'une Mort certaine et - fatalement - imminente.
Remarquablement interprété par ses actrices et acteurs et dirigé dans une sobriété étonnante de la part de son réalisateur Intérieurs est de ces films se bonifiant avec les années, se rangeant doucement mais sûrement parmi les films-outsiders les plus surprenants de la filmographie aussi riche qu'inégale de Woody Allen. Immanquable.
Créée
le 9 avr. 2024
Critique lue 10 fois
1 j'aime
D'autres avis sur Intérieurs
Intérieurs présente quelques-uns des thèmes récurrents de l’œuvre de Woody Allen : le divorce, la confrontation des carrières, l’artiste impuissant, les obsessions de l’écrivain, l’angoisse de la...
Par
le 3 août 2017
7 j'aime
1
Si l'on n'est pas autant surpris en découvrant (très tardivement) ce beau film - très différent de sa filmographie "habituelle" - de Woody Allen, que ne l'avait été le public de l'époque, c'est que...
Par
le 22 juil. 2016
4 j'aime
1
Très chouette film de Woody, son premier drame apparemment, qu'il a voulu écrire pour se prouver qu'il était capable de faire autre chose que de la comédie.Les personnages et situations sont bien...
Par
le 15 sept. 2022
2 j'aime
2
Du même critique
Précédé de sa réputation de grand classique du western américain La Prisonnière du désert m'a pourtant quasiment laissé de marbre voire pas mal agacé sur la longueur. Vanté par la critique et les...
Par
le 21 août 2016
44 j'aime
9
Immense sentiment de paradoxe face à cet étrange objet médiatique prenant la forme d'un documentaire pullulant d'intervenants aux intentions et aux discours plus ou moins douteux et/ou fumeux... Sur...
Par
le 14 nov. 2020
38 j'aime
55
Nice ou l'enfer du jeu de l'amour-propre et du narcissisme... Bedos troque ses bons mots tout en surface pour un cynisme inédit et totalement écoeurrant, livrant avec cette Mascarade son meilleur...
Par
le 4 nov. 2022
34 j'aime
6