Intérieurs
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Intérieurs

Film de Woody Allen (1978)

Après une poignée de films à travers lesquels Woody Allen promenait son air étourdi de petit bonhomme maladroit enchaînant les situations burlesques les plus drolatiques ( Bananas, Woody et les Robots et surtout l'excellent Guerre et Amour, point d'orgue de cette courte première période sus-citée...) le célèbre cinéaste juif new-yorkais signe quelques films aux antipodes du slapstick en partie hérité de son passé de gag-man télévisuel : ce seront d'abord le très psychanalytique Annie Hall - un film éminemment personnel et premier parangon de la comédie sophistiquée façon allenienne - et surtout le magnifique Manhattan - petit monument magnifié par la photographie quasiment anthracite de Gordon Willis et la Rhapsody in Blue de Georges Gershwin inaugurant ladite œuvre...


Entre ces deux références pratiquement incontournables pour qui se penche à corps perdu par-delà la filmographie prolifique et imperturbablement régulière de Woody Allen ( un film par an en moyenne depuis ses débuts au crépuscule des années 1960 ) un film : l'étonnant et très intimiste Intérieurs, hommage non-feint au grand réalisateur suédois Ingmar Bergman duquel Woody Allen reprend la cruauté psychologique et les dispositifs scéniques débarrassés de tout superflu. Filmé près de l'os, intimiste voire même introspectif dans ses meilleurs moments Intérieurs figure à bien y revoir parmi les belles réussites du futur auteur de Hannah et ses Soeurs et de Match Point. Scènes de la vie familiale de trois sœurs et de leur père fraîchement énamouré d'une femme toute en rondeur spirituelle et aux dehors vénaux puis inconsistants in fine ce superbe long métrage n'en finit pas de brosser toute une peinture de la médiocrité existentielle de ses protagonistes humains, très humains, trop humains.


Entre la soeur intellectuellement aguerrie incarnée par la classieuse Diane Keaton, sa cadette moins reconnue que la troisième davantage dévergondée et séductrice Woody Allen montre une bourgeoisie perdue dans les déserts balnéaires de la Côte Est américaine, astucieusement appuyée par la photographie de Gordon Willis qui n'hésite pas à jouer sur les notions de pénombre et de sous-exposition susceptibles de déployer toute une morosité morale et psychologique. Nous sommes presque de l'autre côté du prisme colorimétrique du chef d’œuvre Cris et Chuchotements, dans cette atmosphère terne et quasiment aphone générant une certaine ironie mâtinée d'empathie et/ou d'identification à l'encontre de cette famille entretenant ses multiples vanités et autres préoccupations personnelles par peur d'une Mort certaine et - fatalement - imminente.


Remarquablement interprété par ses actrices et acteurs et dirigé dans une sobriété étonnante de la part de son réalisateur Intérieurs est de ces films se bonifiant avec les années, se rangeant doucement mais sûrement parmi les films-outsiders les plus surprenants de la filmographie aussi riche qu'inégale de Woody Allen. Immanquable.

stebbins
8
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le 9 avr. 2024

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