Le (parfait) produit de son époque
À l'ère des super-héros, Christopher Nolan tente ici le super-film : le film qui réunit tous les autres en un seul, dans le but à demi-avoué d'en faire la référence absolue de notre époque. Tout y passe : film catastrophe, d'anticipation, de cosmonautes, d'apprentissage, de famille sudiste... Tout cela pour développer sur près de 3 heures un sujet non moins imposant : la survie de l'humanité après l'épuisement de nos ressources naturelles.
La plus grande qualité du film est selon moi aussi sa plus grande limite : il est parfaitement dans l'air du temps, et donc également extrêmement daté. Nolan rassemble ici toutes les références du cinéma d'auteur et à grand spectacle actuel, et donne donc au spectateur ce qu'il a envie de voir : Matthew McConaughey (en bon gars du sud, what else), Jessica Chastain (pas loin de la frénésie de "Zero Dark Thirty"), "Gravity", la question écologique, le recours old-school aux lens flares (on se croirait dans "Super 8"), et surtout, le propre cinéma de Nolan, qui a désormais imposé à tout le cinéma son style visuel et sonore sombre, reflétant les combats intérieurs de personnages confrontés à un destin plus grand que leur vie.
L'avantage, c'est que tous ces codes marchent aujourd'hui. Matthew McConaughey est parfait dans un rôle où l'on ne pouvait imaginer que lui, l'image et le son sont superbes et, après un prologue sublime sur Terre, le rythme est parfaitement tenu et Nolan nous tient éveillé pendant 2h45, ce qui est déjà un exploit en soi. L'inconvénient, c'est que l'on sent trop la volonté du réalisateur de faire un chef d'oeuvre, ce qui empêche parfois l'émotion de filtrer à travers tant de maîtrise. Et, si le film est irréprochable sur les trois premiers quarts, il se prend à la fin un peu les pieds dans le tapis de l'invraisemblance.
Néanmoins, si l'on fait abstraction des quelques énormités qui jalonnent le scénario (il y a beaucoup trop de failles spatio-temporelles pour que cela ne devienne pas louche), le plaisir du spectateur est bien là. Reste à savoir si ce plaisir sera encore intact dans quelques années, quand les modes cinématographiques auront une nouvelle fois changé.