Interstellar aurait du me toucher. Déjà parce que j'adore la science-fiction au cinéma, celle de Kubrick entre autres, à laquelle Nolan se réfère constamment. Ensuite, parce que c'est Nolan et, qu'à défaut d'être un grand metteur en scène c'est un formidable conteur. Enfin, j'avais sorti le grand jeu : voir le film en Imax c'est s'immerger totalement, s'envelopper dans ce voyage intersidéral.
Et pourtant... Je n'ai pas tout compris à l'histoire. Je l'ai trouvé alambiquée pour pas grand chose, là où Kubrick suggère et laisse planer lui aussi le doute sans pour autant perdre son spectateur. Le film est quelque part trop bavard. Le début du film s'attarde et ne développe pas grand chose. On reste dans le flou quand à la dystopie développée. En effet, on nous explique que l'humanité se meurt, asphyxiée par des nuages de poussières, la sécheresse et les carences de nourritures. Mais, le propre d'une dystopie c'est de développer son monde. On n'a ici que des bribes alors que le parti pris est passionnant, et terriblement plausible. Si c'était une simple invitation au voyage, je l'aurais compris mais le point de vue réaliste de Nolan n'est pas poussé jusqu'au bout - ou alors trop. Je ne comprends pas ainsi ce paradoxe entre les capacités de l'homme à continuer de construire des fusées et à conduire en voiture et en même temps n'arrivant plus à produire de nourriture pour tout le monde. Les personnages sont plats parfois, leurs buts - la vengeance, les retrouvailles -, trop tranchés et manichéens, même si la relation entre le père et sa fille est très touchante. Certains dialogues sont très drôles ou fins et d'autres tombent totalement à plat. Le retournement final, basé sur le concept de l'amour est également un peu trop tiré par les cheveux à mon goût. J'ai trouvé ça compliqué, pour au final délivrer un message assez faible. La fin, elle aussi est décevante. Trop attendue, trop américaine. Elle ne m'a pas touché, comme avait pu me toucher par exemple Inception. Encore une fois, si le parti pris avait été celui d'une exploration fictive de l'espace je l'aurais compris mais encore une fois, les intentions de Nolan ne sont pas assez claires.
On ne peut pas dire que c'est cependant un mauvais film, au contraire. C'est magnifique. Les plans dans l'espace sont sublimes, et même à tomber - en Imax c'est tout simplement incroyable. La musique de Zimmer sert très bien son sujet. On notera aussi cette formidable - et passionnante- explication scientifique sur la relativité - trous noirs, trous de ver, phénomènes captivants, même si l'histoire en fait un peu trop. Les phénomènes de distorsions du temps, de déformation de la temporalité et de l'espace sont aussi plausibles qu'admirablement expliqués. C'est impressionnant de justesse sur ce point, un peu trop peut-être. La thématique du temps, chère à Nolan est très présente et donne le vertige. La technologie, notamment les robots est parfaite. Les designs, très réalistes des robots, des vaisseaux, sans exagérations, sont impeccables. Les planètes découvertes sont fascinantes de beauté - c'est ce que j'ai préféré. L'imagination, le rêve, le voilà, enfin ! L'espace est décrit dans sa froide magnificence, à la fois plein d'espoir et de dangers. La pression de la solitude, de l'isolement, de l'éloignement, les notions d'exploration, de pionniers sont très bien exploitées. Les scènes où l'on se rend compte à la fois de l'immensité de l'univers, de sa froideur et de la solitude des personnages, partis pour un voyage sans retour sont terriblement grisantes et superbes. Le rêve qui semble porter la plupart des protagonistes du film est un rêve magnifique assurément, et en passionné, Nolan nous le fait ressentir.
Reste que le parti pris froid, très réaliste, et en même temps ce patchwork mélodramatique ne fonctionnent pas toujours bien. Nolan s'enferme dans un réalisme cru qui dénude ce fabuleux rêve d'une partie de sa saveur alors que le film à certains moments semble le toucher du doigt. Il confond science et science-fiction, résumant l'imaginaire à des probabilités quantiques et physiques, à des théorèmes mathématiques. Il ne prends pas le risque d'inventer, alors que je l'aurais suivi les yeux fermés tant ce film semble inviter au voyage. Comme pour ses autres films comme Inception, Nolan touche du doigt le vertige et l'ivresse des conquérants : ce père de famille qui comme Ulysse (d'où l'Odyssée) veut retrouver ses enfants et son foyer et qui finit par revenir, alors que sa fille, par l'effet de la gravitation, a atteint un âge canonique, vieillissant plus vite que lui, attendant son retour avant son dernier souffle. Ça pourrait être beau mais c'est tellement alambiqué. Le grand lien de l'univers c'est la force de l'amour. On nous sert de la gravitation et de la physique quantique pour aboutir à cette conclusion décevante.
Nolan dénature un peu le rêve le plus fascinant de l'humanité, par une sorte de verbiage pseudo-scientifique par moment, filmant trop la froideur ou s'emportant à l'inverse dans la mièvrerie, malgré les qualités du jeu des acteurs. Je reste frustré comme spectateur, un peu sur ma faim, ce film étant aussi captivant que décevant. 2001, l'Odysée de l'Espace reste toujours indépassable.
J'ai aimé, ce délicieux rêve héroïque et brutal, sans réussir vraiment à décoller. J'ai aimé, j'aurais aimé adorer. Dommage...