Interstellar se présente comme étant l'un, si ce n'est le film le plus attendu de l'année 2014. Christopher Nolan a su, depuis son début de carrière, se faire remarquer par son inégalable talent de narrateur, puisant systématiquement au sein de son fort intérieur pour livrer des histoire toutes plus rocambolesques les unes que les autres, notamment en compagnie de son frère Jonathan. Il fait donc, et en toute logique, partie d'une certaine élite en matière de cinéma, lui décernant actuellement une notoriété de réalisateur démesurément grande, marquant ainsi de sa patte assurée toute une décennie.
Son ascension fulgurante au sein du septième art, relevant brillamment chaque défi qu'il s'est fixé, Christopher Nolan voit encore plus loin, toujours plus loin, et s'attaque au seul sujet auquel l'Homme s'estime encore n'être qu'une seule goutte d'eau au beau milieu d'un océan. Il se penche et tente de résoudre, en compagnie de son frère, les multitudes de questions qui envahissent notre petit cerveau au sujet de l'infiniment grand, de tout ce qui peut encore dépasser l'entendement et le fantasme. L'espace reste bel et bien le seul terrain sur lequel l'Homme peut encore faire appel à son imagination, racine d'une certaine liberté de création sur laquelle se reposer librement pour enfin en livrer son fruit le plus pur.
Les frères Nolan l'ont précisément compris et ont probablement livré le film le plus ambitieux de leur carrière. Il parviennent à mettre en image une odyssée spatiale époustouflante, à travers un groupe d'astronautes en quête d'une nouvelle planète sur laquelle vivre, la Terre arrivant à son terme. Techniquement irréprochable, le rendu général offre ses prouesses et libère un spectacle visuel et sonore à couper le souffle. Chaque image spatiale déconcerte par sa grâce et sa puissance, se présente comme atteignant un degré inégalé de réalisme (Il s'agit là de science-fiction, Gravity est à bannir). Le tout illustré par des séquences contemplatives d'une beauté troublante ; la pureté de Saturne tout comme l'étendue aquatique d'une fascinante découverte. Le spectateur ne peut que ressentir le travail d'un acharné, d'un réalisateur qui a su, tout comme Kubrick, s'entourer des meilleurs physiciens pour obtenir un résultat imparable.
Nul ne peut nier les diverses inspirations des monuments du genre tels que 2001, L'Odyssée de l'espace ou encore de Solaris de Tarkovski. En effet, Nolan sait également insister pour inclure dans son film une complexité conjecturale et philosophique telles qu'une colossale gymnastique du cerveau s'avère nécessaire pour que le spectateur en saisisse toute son étendue. S'il s'agit bel et bien d'un blockbuster, le réalisateur parvient à garder ce que font les fondements de son identité pour livrer une démonstration scénaristique mirobolante, repoussant toujours plus loin les frontières de son contenu, disséminant le spectateur en une infinité de fragments de son être, répartis aux quatre coins de l'univers.
Si Christopher Nolan a su marquer les esprits grâces à ses technicités de narrateur et de metteur en scène, il fait sans nul doute partie de ces rares qui ont su gérer leur notoriété pour développer et perfectionner perpétuellement leur génie et livrer de nouvelles œuvres toujours au-delà des attentes des spectateurs. L'espace, preuve ici d'une nouvelle progression dans son parcours de cinéaste, il serait étonnant qu'il ait épuisé toutes ses ressources et soit résigné au néant... Malgré quelques séquences de bravoure américaine tout de même nécessaires pour lui conserver l'aspect blockbuster, Interstellar est le fruit nouveau et intemporel à l'ambition démesurée d'un réalisateur surdoué, lui-même prestance allégorique majeure du cinéma moderne.