Histoire de nous tenir un peu en haleine, on commence avec une intro plantant un futur un peu post apo mais c’est flou (la NASA a été dissoute pour ne pas avoir voulu lancer des bombes et… la malnutrition est apparue, sous forme d’épidémies de parasites se nourrissant d’azote de l’air, OK). On ne nous explique pas grand-chose, mais le côté fantastique un peu tiré par les cheveux à base de gravité a au moins le mérite d’être original (en s’expliquant plutôt bien à la fin). Puis c’est le départ. Et ça commence à se gâter. Le film soigne un peu certains détails (McConaughey qui écoute des bruits de la terre, l’adoption du temps comme facteur déterminant dans l’exploration des mondes potentiels), mais montre assez vite qu’il n’a pas de profondeur en dehors de ses enjeux immédiats (fort heureusement, le rythme arrive à faire passer assez vite les 2h49 de film, la durée d’un Solarys !). Interstellar ne surprend qu’à la première étape de son parcours, le reste est nettement plus balisé (je pense surtout à Matt Dammon et à son personnage, qui sert davantage à faire gagner près de quarante minutes de bobine à lui seul, histoire de rallonger le voyage). Ce n’est pas tant de meubler qui est le problème, on fait difficilement autrement quand on fait un film de SF d’exploration (puisque l’enjeu est ici carrément de trouver une planète favorable à l’établissement d’une colonie). C’est que ce soit aussi voyant.
Attention, spoiler grave : quand un personnage demande au héros de partir seul avec lui très loin du campement, et qu’il commence à lui parler d’instinct de survie et de ce qu’on voit au moment de mourir, on sait déjà ce qui va se produire. Et franchement, quand on sort la vieille excuse de l’instinct de préservation qui rend fou alors qu’on avait une mission déjà présentée comme suicide au départ… Je fais un peu la fine bouche, ça fonctionne, mais c’est gros… Surtout quand on lui fait adopter une rigueur scientifique totale (qui cache ses sales émotions donc) et qu’il meurt d’une façon complètement stupide où les risques qu’il encourrait sont basiques et évidents.
Fin du spoiler
Et ces magnifiques paysages inversés hérités d’Inception, et ces plans vus de loin qui citent 2001 (certains sont magnifiques, d’autres, par exemple devant les anneaux de Saturne, sont moins réussis). Les frères Nolan ont beau tenter des morceaux de bravoure comme l’exploration de la première planète qui vire sans prévenir au désastre (avec des conséquences plutôt bien gérées d’ailleurs) ou la représentation des trous de verre (joli moment visuel), ils n’arrivent pas à créer l’ampleur recherchée. Leur fin du monde est cheap (des champs de maïs qui brûlent... désolé, mais j’ai du mal à me faire une idée de la situation réelle), et le manque de mysticisme (ironie, c’est par là que 2001 finit par pêcher) entourant leur histoire de gravité peine à nous transporter. Exemple type, la tirade de la chercheuse sur l’amour en plein débat sur la destination à choisir, tellement maladroite qu’elle ne pouvait que la discréditer. Et par ce genre de détails mous, Interstellar rate le coche. Et quid de ce fils paysan qui devient méchant parce qu’il est attaché à ses terres et ne veut pas de ces gens de la ville qui emmènent sa famille, sortez d’ma propriété ou je dégaine le fusil ! Allons allons… Oh, le film a encore quelques ressources, notamment cette fin rigolote qui donne d’intéressantes explications à son script et sa gestion des robots, qui deviennent enfin l’outil technologique tel qu’il est vraiment (2001 traitait de la dégénérescence de l’outil qui apparaissait de façon spontanée (par un refus de reconnaître son erreur), cette thématique est complètement bannie, dans la mesure où les ordinateurs sont programmés de façon intelligente (et fort heureusement, les fameuses closes de confidentialité et de franchise ne sont pas utilisées comme prétextes pour ralentir l’histoire de péripéties inutiles)).
En revanche, je me dois de faire une révélation sur la concurrence assez monumentale que fait Interstellar à Gravity. En effet, dans ce dernier, on pouvait y voir Sandra Bullock qui nous imitait un cocker blessé à mort en jappant jusqu’à plus soif. Et bien, lors d’une séquence capitale, McConaughey se met à imiter un chat ! Un feulement mêlé de ronronnement, sensés illustrer la peur, qui fait plutôt rire qu’autre chose (la séquence en question est identique à celle de 2001, mais elle vieillira beaucoup mieux, on en est certain). Pour une durée de 2h49, le film a un certain sens du rythme, et disons le, l’orgue lugubre un brin stellaire de Hans Zimmer, ça pose nettement plus d’ambiance que du Mozart ou du Vivaldi. Epopée plate qui trouve quelques collines pour attirer l’attention, Interstellar n’a pas grand-chose du film de l’année malgré ses tentatives (une virtuosité très relative, moins entrainante qu’un Cloud Atlas). Et puis quand le film nous dit que notre pilote s’est crashé à la suite d’une anomalie gravitationnelle… illogique quand on voit la conclusion et les explications fournies, on sourit un peu (ouh, on sent qu’il y a eu du remplissage niveau détails superflus qui n’ont pas été développés). Mais ne soyons pas trop vache, on reprendra bien du maïs lors de la diffusion télé, en gardant les pieds sur terre, et parfois en levant les yeux au ciel…