Le passage dans l’hyperespace est un classique de la SF et la source de créations visuelles autant mystérieuses que chaotiques du fait de la difficulté de la représentation de ces dimensions supplémentaires qui défieront sans doute à jamais notre limite perceptive.
Que le héros s’avance dans un kaléidoscope confus ou que le prodigieux vaisseau s’élance à toute blinde en feulant au travers de longs filaments lumineux qui s’étirent, les figures ajustées, les géométries exotiques toujours évoquent tant bien que mal cet espace paradoxal et fantastique que révélaient les pères de la théorie relativiste : un espace mystérieux où s’esquissent la troublante notion de continuum et le célèbre paradoxe des jumeaux qui plonge dans des abîmes de perplexité et excite l’inconscient déchainé des artistes plasticiens ou logiciens.
D’emblée l’imagerie d’Interstellar sur les objets étonnants du cosmos s’impose comme l’une des plus belles jamais rencontrées, tout en finesse et sobriété, sans trop en montrer, sans grand déploiement d'effets spéciaux, elle parvient à suggérer ce mystère qui palpite au sein de notre environnement spatial.
Beauté formelle exceptionnelle qui transcende les standards actuels.
Le scénario est habilement sinueux tandis qu’il affronte farouchement les grands concepts physiques et ces notions, à bien des égards trop compliqués pour nous pauvres hères humains, fascinent par leur adhésion à l'énigme que pose notre existence en ces lieux célestes.
Le texte s’enracine par ailleurs dans les vicissitudes modernes et propose en prémisse une terre malade, brossée par des nuages toxiques : terre sortie directement de notre imaginaire collectif, terre non arable, non viable, à l’agonie…tuée par la surexploitation.
Terre qu’il faut fuir, chercher un ailleurs, une terre alternative, « quitter le berceau » disait un grand russe…
Un pitch classique et au passage on brasse des idées en pagaille dans un sous-texte familial des plus séduisants : un peu d’idéologie new-age, un laïus d’Anne Hathaway sur l’amour potentiellement quantifiable, une illustration de l’instinct de survie qui couvre une occurrence de digresser sur la nature réelle de notre empathie, un aspect joliment tire-larme et le tout enrobé dans une mise en scène de dingue avec des décors ahurissants et des acteurs habités…(Je commence à l’aimer fort le McConaughey ! )
A mon goût les films de Nolan constituent le pinacle du divertissement à gros budget car le plaisir est immense de suivre ces amphigouris - étonnamment rendus lisibles par le génie et l’inventivité du gars - qui dilatent le cerveau et rendent la pensée poreuse aux propos qui défilent…qui nous envoient un peu dans les choux aussi, mais gentiment, juste ce qu’il faut pour qu’on ait le plaisir de débattre un peu sur des abstractions ludiques qui touchent un aspect profond de notre situation existentielle.
Dans la charade de l'empyrée se trouve l'éprouvant plaisir de douter.