Oubliez Gravity d’Alfonso Cuarón. Oubliez 2001 : L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Je vous présente Interstellar de Christopher Nolan. Super original et unique comme introduction, non ?...
A l’exception de deux Batman et le 1er long du réalisateur que je n’ai pas vus, j’ai toujours eu ce sentiment qu’il manquait quelque chose à ses films pour atteindre les étoiles.
Interstellar est un film qui aurait dû initialement être réalisé par Steven Spielberg. La version officielle veut que pour des raisons d’emploi du temps, il a proposé la réalisation à Christopher Nolan, qui avait déjà pour charge avec son frère Jonah l’écriture du scénario. Pour les aider, les deux frères ont fait appel à de nombreux scientifiques, non seulement pour les aspects scénaristiques, scientifiques et techniques mais aussi pour les décors. Au sujet de ces décors, le réalisateur qui préfère le format IMAX au 3D a souhaité pousser le réalisme au maximum.
Voici quelques détails supplémentaires concernant la volonté de réalisme :
- L’équipe du film a eu pour challenge de faire pousser du maïs pour la ferme de Cooper au Canada (lieu de tournage avec l’Islande) dans une région où il n’en pousse habituellement pas ;
- Dans la scène de poursuite dans le champ de maïs, Matthew McConaughey (Cooper) ne s’est pas fait remplacer au volant par un cascadeur. N’ayant aucune visibilité, un cascadeur s’est par contre installé sur le toit de la voiture pour contrôler le véhicule à la place de l’acteur ;
- Les tempêtes de poussière ont été recrées à partir d’un matériau issu du carton ;
- Les combinaisons spatiales étaient très proches de celles de vrais astronautes, et en conséquence très lourdes à porter (10-15 kg avec le casque) ;
- Les robots dans le film n’ont pas été réalisés par infographie (et leurs voix ne sont pas informatiques) ;
- Nombre des décors, notamment l’un des vaisseaux spatial, n’ont pas été réalisés sur fond vert mais bel et bien construits pour le film. Les acteurs se trouvaient donc dans ce qui se rapproche d’un simulateur, avec des images spatiales diffusées par les fenêtres…
Pour les effets spéciaux, la compagnie Double Negative qui avait déjà travaillé avec Nolan pour Inception a de nouveau été mise à contribution.
Revenons à présent sur ma déclaration initiale. Gravity reposait surtout (pas exclusivement, je ne veux pas être réducteur) sur une immersion – d’ailleurs réussie - par le biais de la 3D. Le grand classique 2001 : L’Odyssée de l’espace est une virtuosité visuelle et sonore. Nolan a le culot de tenter de réunir les qualités de ces deux œuvres. Là où il impressionne, c’est qu’il ne se contente pas de copier l’identité de plusieurs films. Il crée sa propre œuvre d’une qualité (rappel : une opinion, c’est subjective) supérieure en excellant dans des aspects manquants aux autres.
La photographie, dirigée par la même personne que pour le génialissime Her (2014), approche la perfection. Je ne sais pas s’il s’agit d’une fausse impression, mais il m’a semblé voir à distincts moments d’Interstellar les mêmes images extérieures d’un vaisseau, du même angle. Ce n’est en soit pas dérangeant, mais on peut se sentir légèrement floué.
Côté sonore, Interstellar alterne les moments d’explosions musicales composées par le talentueux Hans Zimmer (Gladiator et Inception notamment) et les silences assourdissants. Ce dernier a par ailleurs travaillé dans des conditions particulières puisqu’il n’a pas eu accès au scénario du film.
Quant au casting, Nolan a souhaité dans le rôle principal un « monsieur tout le monde ». Son choix s’est alors porté sur le texan Matthew McConaughey. Bien qu’impressionné par les performances récentes de l’acteur dans Dallas Buyers Club et la saison 1 de la série True detective, je doutais sur sa convenance pour le rôle. Fort heureusement, la dimension de sa performance (see what I did ?) n’en a laissé aucun. Rien à signaler pour le reste du casting, cela convient également.
Mais alors, qu’est-ce qu’Interstellar a de plus ? Eh bien, la constante avec Nolan, c’est la qualité du scénario. Dans Interstellar, c’est encore mieux que d’habitude. Les analyses sur la nature humaine et son avenir sur Terre sont très pertinentes. Les faits scientifiques, qu’ils soient vérifiés ou des thèses sont passionnants quoique complexes pour des non-initiés. L’aspect science-fiction est parfaitement élaboré (tout le contraire de Transcendance par exemple). Et comme toujours avec Nolan, on ne sait jamais totalement à quoi s’attendre (sur la globalité), peu importe notre niveau de perspicacité. Pendant presque trois heures, notre curiosité est en permanence piquée à vif. Si elle ne l’est pas, personne ne vous a dit qu’avec Nolan chaque détail compte ?
Un blockbuster qui crée l’envie de dialogue, d’analyse et de discussion. Une réussite.