2014, l'Odyssée de Nolan?

"Christopher Nolan". Depuis sa trilogie Dark Knight et Inception, la simple évocation de ce nom a le don d'exciter les foules. Alors quand en plus, celui-ci nous promet le film "le plus personnel" qu'il ait jamais réalisé, fortement inspiré de 2001, l'Odyssée de l'Espace et soutenu par une BO signée Hans Zimmer, on frôle carrément l'hystérie collective.

Film le plus attendu de l'année 2014, Interstellar tient-il toutes ses promesses, ou ne se révèle-t-il comme un simple ersatz du chef-d'oeuvre de Kubrick?

Si le postulat de départ est relativement simple (Cooper doit partir pour un voyage interstellaire dans le but de trouver une nouvelle planète habitable, la Terre étant en train de mourir à petit feu), le film aborde énormément de thématiques en l'espace de trois heures : l'espace-temps, le temps qui passe, la relation complexe entre un père et sa fille ...

Justement, cette relation, parlons-en. Ce n'est un secret pour personne, Nolan n'a jamais été très fort pour faire passer des émotions au spectateur à travers l'écran. Malheureusement, ce n'est pas avec Interstellar que cela changera. Si Matthew Mc Conaughey est très convaincant, c'est loin d'être le cas des autres personnages, à commencer par les membres de l'équipage. Les personnages secondaires sont tout simplement inintéressants, dénués de personnalité.

C'est simple : le réalisateur a beau s'évertuer à faire passer des émotions, il n'y parvient que moyennement (mis à part une scène au tiers du film, dont la réussite tient essentiellement au jeu exceptionnel de Mc Conaughey) La faute à une mise en scène trop frileuse, trop froide. Et ce n'est pas à grand coups de percussions signées Hans Zimmer que cela va fonctionner. Résultat : on peine à s'immerger dans le récit, à ressentir les émotions d'un homme tiraillé entre quitter ses enfants et assurer sa mission de survie de l'Humanité, qui était pourtant un des grands propos du film.

Alors, Interstellar est-il finalement une déception? Quand même pas, loin de là même.

La réalisation tout d'abord est globalement très réussie. Les plans dans l'espace, bien que relativement rares, sont à couper le souffle (mention spéciale à la représentation du trou noir, proprement hallucinante de beauté).
La découverte de chaque planète est également marquante, tant la photo et la mise en scène sont grandioses.
Si l'on ajoute à cela une bo sobre et efficace, qui colle toujours bien aux événements qui se déroulent à l'écran, on obtient un résultat à la hauteur des ambitions du film.
Certes, les références à 2001 sont omniprésentes, mais Interstellar parvient à garder sa propre identité.

Enfin, comment parler de ce film sans en évoquer la fin? (pas de spoilers)
Et cette fin risque de faire parler. Une fin tranchant totalement avec le reste du récit, à l'aspect réaliste et scientifique. Nolan par dans un trip, très bien.... si seulement les cinq dernières minutes ne venaient pas obscurcir le tableau.
Fidèle à ses mauvaises habitudes, le réalisteur veut tout expliquer, tout rationaliser. Si ce parti pris fonctionne à merveille pendant la majeure partie du film, il n'est absolument pas en adéquation avec la fin. Nolan veut continuer à prendre le spectateur par la main au moment où il faut justement le lâcher.

Une fin un brin trop "hollywodienne" donc, qui résume finalement bien le paradoxe constant du film. Là où un 2001 assumait du début à la fin son côté très abstrait, Interstellar est sans cesse le cul entre deux chaises. Coincé entre les exigences d'un blockbuster à 165 millions de dollars d'une part, et les volontés plus personnelles du réalisateur d'autre part. Un mix globalement réussi, mais qui peut dérouter.

En résumé, si le film échoue sur l'aspect émotionnel, il constitue plutôt une réussite sur sa forme et ses qualités intellectuelles, pour peu qu'on y adhère.
Certains y verront une énorme réussite et un film potentiellement culte, d'autres un espèce de fourre-tout inutilement compliqué justifiant tout et n'importe quoi.

Non, Interstellar n'est pas un chef-d'oeuvre. Il lui manque trop de choses pour prétendre à un tel statut. Mais c'est une expérience cinématographique à part. Ce genre de film loin d'être parfait, mais qui a ce petit truc qui fait qu'on lui pardonne beaucoup.