Parmi la marée de grandes productions hollywoodiennes sans grand intérêt, peut se cacher une pépite alliant une réalisation d’exception à un scénario captivant. Le cinéma d’auteur est certes un registre flatteur pour l’amateur de cinéma, mais il est tout de même bon de reconnaitre qu’un block buster peut être tout aussi intelligent.
Mon premier contact avec ce film fut la découverte de son affiche dans un grand complexe cinématographique, dans le plus grand des hasards, lors de sa semaine de sortie. M’étant résigné à ne plus fréquenter les salles obscures à cause du manque de respect du public pendant la diffusion des films, je ne m’informais plus des sorties en salles. Je rejoignais une amie pour un film d’un autre registre, cette affiche me laissant penser à un scénario oubliable, à l’instar des films de super héros américains. Le nom de Nolan aurait pourtant dû me rappeler à l’ordre. Ce fut avec deux autres amis en phase avec la science fiction, que je le découvris, dans une immense salle. J’en suis ressorti avec la satisfaction simple d’avoir vu un bon film hollywoodien, sans autre prétention que de divertir. Mais après m’être aperçu que j’avais manqué bon nombre des références culturelles présents dans cette production, je me suis mis à penser que j’avais potentiellement mal compris ses intentions. Une seconde relecture s’imposait alors à la sortie de son blu-ray.
Interstellar est une épopée fantastique dans l’immensité du vide, cet Espace dans lequel je ne pourrai jamais y voyager de mon vivant autrement que par l’imaginaire. Il parle de ce futur proche où la vie sur Terre est menacée par l’épuisement des ressources. Le climat de plus en plus aride pousse une équipe de la NASA à explorer plusieurs planètes potentiellement favorables à la colonisation humaine.
Je ne suis pas familier avec la science fiction. Peu d’histoires m’ont intéressé. Elles me paraissent trop proches de l’univers geek, avec son lot de robotique, de twists de série B, de questionnements philosophiques invraisemblables. Star Trek, The Island et Dark City sont des exemples peu attrayants qui me viennent en tête à l’évocation du terme science fiction. J’ai bien eu ma période Star Wars durant mon adolescence, mais elle s’est arrêtée dès la surexploitation de la licence à partir de la fin des années 90. Interstellar me réconcilie donc avec ce genre.
Après un second visionnage du film, et l’acceptation du revirement de l’histoire à la dernière partie, l’inventivité de son propos parait certes moins surprenante, mais également plus jouissive. On se laisse pleinement absorber par cet imbroglio. Le film retranscrit parfaitement le temps passé et perdu d’une vie, le regret d’avoir manqué tant de faits mémorables, regret que nous avons forcément connu chacun dans notre propre vie, quand nous nous retrouvons par exemple loin de nos proches tandis que des évènements importants leurs arrive. Les histoires liées à la relativité, avec cette théorie qu’une personne partant en voyage intersidéral reviendrait plus jeune que son fils sur Terre, restent encore pour moi une énigme complexe. Mais plutôt que d’essayer d’en donner une explication vainement vulgarisée, le scénario préfère se focaliser sur les conséquences dramatiques de cette théorie. On ressent aisément le déchirement du personnage principal, Cooper, quand il découvre les messages video envoyés par ses enfants durant leur vie d’adultes.
L’image est sublime, le rendu pellicule donne au projet ce cachet propre aux grands films épiques. Etant moi-même amateur de photographie argentique, je ne peux qu’abonder dans le sens du réalisateur concernant son soutien pour la pellicule. Les panoramas stellaires magnifiques, représentant la station circulaire comme n’étant pas plus grande qu’un grain de poussière comparée aux planètes environnantes, rappelle curieusement l’Odysseus du dessin animé Ulysse 31.
La musique de Hans Zimmer, autre élément clé à la réussite du film, pose une ambiance oppressante : une basse profonde tenue, des instruments à corde qui arrivent crescendo puis s’arrêtent abruptement pour couper le souffle du spectateur, comme pris en apnée et apesanteur. Le tic-tac du morceau Mountains nous fait tout de suite comprendre l’urgence de l’expédition sur la première planète visitée. L’utilisation de l’orgue donne un côté religieux face à l’étendue de l’Espace et la grandeur des évènements. Le compositeur et le réalisateur voulaient-ils nous suggérer que le désir de l’Homme de s’extraire de l’attraction terrestre pourrait s’interpréter comme une provocation face à l’autorité divine qui nous a fait naitre sur notre planète et nous oblige à y rester ?
Ce long métrage renforce mon admiration pour son réalisateur, de par les thèmes choisis, l’esthétique et la réalisation des fantasmes oubliés de mon enfance. Après The Dark Knight, Inception, et Le Prestige, je trouve qu’une personnalité propre ressort de ses oeuvres, différente des productions d’autres auteurs. L’aura du film planant bien après le générique de fin est tel que, s’il vous arrive ensuite de visionner Gravity d’Alfonso Cuarón, cet autre film vous paraitra familier. Mais étant coincé autour de l’orbite terrestre, il vous semblera frustrant, avec une envie non satisfaite de partir plus loin dans la galaxie.
Est-il possible d’apprécier Interstellar avec ses arguments scientifiques et ses clins d’oeil réservés aux initiés, si le spectateur n’a pas un bagage scientifique et un attrait aux délires scénaristiques propres à la littérature de science fiction ? Il restera peut-être à ce spectateur le divertissement de qualité, ce qui est déjà une raison suffisante de s’y plonger sans retenue.
Interstellar aura enfin le mérite de répondre à la question que je me suis toujours posée : que se passe-t-il dans un trou noir ? Sa réponse est certes fantaisiste, mais si vous souhaitez une explication plus réaliste, je vous conseille la vidéo du chercheur David Louapre.
Critique publiée sur mon site Tumblr.