Inutile de se le cacher, Nolan a réussi là où Cuaron nous a fait croire qu'il avait excellé. Bien que les deux films n'aient ni la même portée ni la même histoire, ils ont, d'une certaine manière, la même ambition, celle d'être un film inoubliable. En soit les deux ont réussi, Gravity étant tellement décevant qu'il restera malheureusement gravé dans nos mémoires. Même au delà de ça, il y a dans Interstellar toutes les sensations, si ce n'est plus, qu'il y aurait dû avoir dans Gravity. Eh oui, c'est ça de ne pas choisir avec suffisamment de rigueur ses acteurs et actrices. Pour faire simple, Gravity est un film qui s'appuie sur des réalités et qui se veut réaliste, cohérent (du moins avec lui-même) et dont le scénario est plausible mais qui s'avère finalement peu crédible. Tandis qu'Interstellar, bien qu'étant construit autour d'éléments scientifique manifestement vérifiable et prouvés, est développé à partir d'éléments incertains, infondés et encore mystérieux, mais s'avère tout à fait possible, par la nature même des éléments encore inconnus. L'un se veut réel et n'est pas crédible, l'autre est clairement orienté comme de la science-fiction mais pourrait tout à fait être envisageable dans un avenir plus ou moins lointain.
Inutile de tergiverser pendant 107 ans, ce film est totalement extasiant.
L'image est sublime, en dehors des CGI qui offrent des décors que seul le cerveau de Nolan sait nous offrir, tous les artifices sont employés à bon escient avec un résultat dépassant toute attente ! D'une part les plans sont époustouflants, du fait de l'immensité des décors d'abord mais aussi et simplement par la puissance qu'ils évoquent, tant émotionnellement que qualitativement. D'autre part grâce aux maquettes réalisées des vaisseaux et des robots qui rendent tout cet imaginaire plus réel et concret. Il y a un retour aux sources dans l'utilisation des moyens techniques pour créer l'environnement qui est tout bonnement jouissif, et au lieu de paraître kitsch, ceux-ci rendent le film tout à fait dans l'ère de son temps, qui est malheureusement trop à la 3D, au CGI et au motion capture. Comme si le film était basé sur une influence entièrement Kubricko-Lucasienne (le vieux Lucas des années 80 bien sûr). Mais c'est bien là la différence entre élément réel et informatique, l'un est faux mais sans défaut et l'autre est vrai et c'est ce qui rend au film toute sa puissance visuelle, c'est ce qui nous permet de mieux croire en ce que l'on voit. Et l'argentique aide pas mal dans ce domaine. Le 70mm reste toujours inconnu de nombreux spectateurs mais le 35mm est tout à fait acceptable. Le cinéma Max Linder n'a peut-être pas su offrir la qualité requise, et le numérique honore plus le film en terme de qualité et d'émotion, mais il donne à l'image un grain assez attirant pour un film tel que celui-ci, rendant les images dans l'espace plus proches du documentaire.
Sans compter le renforcement de l'ambiance post-apocalyptique que cela produit. Se déroulant dans un futur plus ou moins proche, la Terre approche dangereusement du terme de sa vie, et rarement un rendu visuel n'a été aussi probant avec un minimum d'effets spéciaux. Si l'on ignore le parti pris attribué aux éléments cosmique potentiellement invérifiable, tout est minutieusement réaliste. Si bien que l'utilisation de la pellicule au lieu de l'Imax n'est pas anodin, et fait partie de ce qui rend le film aussi beau. En fait, Interstellar est plus aboutit en de nombreux point que ne l'était Gravity, d'où les foudres que ce dernier mérite. L'absence de son total dans l'espace et la disparition du « POIIIIIN » éternel de Hans Zimmer donne enfin cette impression de vide sidéral dans l'espace. Cette notion de néant est enfin présente, et plus pesante que celle dont Cuaron avait essayé de nous faire croire. Non seulement l'attention portée au son, ou à l'absence de son, mais aussi à celle apportée à l'immensité des décors, qu'ils soient terrestre ou spatiaux. Car à aucun moment l'homme n'est en position de force, il n'est même pas en position de soumission, il est juste en incapacité totale de se dresser face à quoi que ce soit. Cette différence disproportionnée reflète bien l'homme face à l'espace, inconnu, inaccessible, intransigeant, indéfectible et sans pitié (ce qui se rapporte également à la nature, que l'homme pense naïvement avoir dressé). Nous ne sommes que si peu de chose, quelque soit l'échelle, planétaire ou interplanétaire.
Pour mieux y croire, il faut bien évidemment compter sur les acteurs. Depuis 2 ans Matthew McConaughey tiens le cinéma et la télévision par les couilles, et je crois qu'ils aiment tous les deux ça. Entre sa superbe prestation dans Dallas Buyers Club et son omniprésence dans True Detective, cet acteur multifacette, qui aura mis 20 avant de dévoiler ses pleines facultés, signe ici, indéniablement, la meilleure performance de sa carrière. Le film se porte bien tout seul mais on sait tous qu'il est là pour le porter aussi en cas de besoin. À côté il y a l'illustre Michael Caine, toujours aussi bon bien que, n'ayant plus grand chose à prouver, sa filmographie ne flamboie plus autant. Sa prestance se fait toujours sentir et ses interventions ne sont jamais vraiment ratées, légère petite déception quand il émeut dans The Dark Knight Rises mais ne nous tire qu'un sombre petit pincement de cœur dans Interstellar. Enfin Jessica Chastain qui illumine un peu le terne paysage terrestre de ce film, elle se dévoile enfin depuis Zero Dark Thirty et ce n'est pas pour déplaire à ceux qui aiment les rousses. Ainsi qu'Anne Hathaway, toujours aussi magnifique et resplendissante, avec ou sans sa tenue de cuir noir, elle en émoustille plus d'un. Un duo d'homme incontestablement efficace, un duo de femme particulièrement renversantes, autant dire un casting des plus aboutit. N'oublions pas ce cher Casey Affleck, qui tire aussi son épingle du jeu malgré la rareté de ses premiers rôles (convaincants).
Et la grande surprise de cette production revient à Hans Zimmer lui-même. Avec une bande son comme celle-ci, difficile de penser avoir écouter du Hans Zimmer, mais si, cet homme a enfin appris de lui-même. Ou à ne plus être trop lui-même, allez savoir. Toujours est-il que lorsqu'il se lâche, le compositeur est capable de proposer des scores ahurissants et particulièrement intenses. Il a enfin compris que pour progresser il faut s'inspirer des seniors. Et on ressent bien dans cette compositions des influences classiques et beaucoup plus orchestrales qu'avant. On sent clairement dans sa musique des inspirations de grands compositeurs et chefs d'orchestre de l'histoire tels que Strauss ou Dvorak, dont les musiques ont toujours emportés férocement les émotions qu'elles provoquaient.
Enfin le film est émouvant, cohérent, complexe mais comme toujours avec Nolan, parsemé d'indices. Il faut être éveillé en le regardant, il faut suivre. Mais vous en ressortirez changé, voire chamboulé. Difficile de croire qu'un film de cette ampleur n'a pas été fait intégralement en images de synthèse et qu'il n'a pas fallut plusieurs années pour le monter. Difficile de croire qu'il ne fut pas attendu depuis son annonce et qu'aucune, voire très peu, d'infos aient circulé à son sujet quand on reçoit une annonce tous les 2 jours du prochain Star Wars de J.J. Abrams. Une réussite, une colossale réussite, de l'émotion intense, du bon Hans Zimmer, que demander de plus ? Si ce n'est peut-être une heure supplémentaire aux 3h déjà présentes ?
Edit: Et puis merde, je voulais pas le faire mais je me sens obligé de faire partager mon expérience. La suite sera purement et ultra subjective, si vous ne voulez pas la lire ou si elle ne vous intéresse pas, passez-la.
C'est une putain de performance, POINT. J'ai déjà pleuré devant Deux frères quand j'étais gosse parce que les tigres étaient ultra mignon, Star Wars m'a complètement changé, une bonne partie des films de David Fincher ont poussé à l'extrême les sentiments de tension et d'oppression, Il était temps était mon film coup de cœur de l'année dernière (un vrai coup de cœur), je pleure de rire chaque fois que je regarde Le Dîner de cons, l'un des films qui m'a le plus marqué tant au niveau de l'histoire que de l'esthétique fut certainement American Beauty. Mais jamais un film ne m'avait repoussé à ce point dans mes derniers retranchements au point que j'étais à deux doigts de fondre en larme. Je ne parle pas d'une larme de cristal qui a coulé le long de ma joue à la fin de Lucy mais bien de vraies larmes, à grandes gouttes. Ça fait petite nature dis comme ça, mais merde, quand on se met à la place des personnages principaux certaines scènes et situations sont parfaitement déchirantes. J'entends d'ici des gens dire que telle scène est attendue, que les plans et la musique nous tirent les larmes des yeux, et du nez aussi, que ça se veut trop scientifique etc etc... Mais en soit c'est très rare qu'un film ne soit pas du tout attendu, exceptionnel qu'une production n'émette pas une bande-son larmoyante à souhait et si vous trouvez Interstellar trop scientifique dites-vous peut-être que vous attendiez autre chose de ce film et non qu'il n'a pas répondu à vos attentes. C'est un grand film, magistrale, éloquent. Il a quelques défauts, mais qu'est-ce qu'il a comme qualités. La musique est parfaite, le rythme au cordeau, les acteurs aux petits oignons et les plans sont forts. Il n'y a simplement quasiment rien à jeter. Nolan continue sa petite épopée expérimentale. Jusqu'ici je le retenais pour Memento et la saga Dark Knight (et en particulier The Dark Knight), les gens se souviendront de lui encore longtemps pour Inception, désormais ma mémoire l'assimilera à Interstellar.