(SPOILERS COMPLETS)


Interstellar, le film que j'aurais tant voulu adorer...
Le film part d'un concept fort : quelques astronautes doivent trouver une planète habitable sur laquelle loger les survivants d'une Terre en pleine apocalypse... Les images, la musique, les critiques, tout me donnait envie de voir ce film ! Malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de le voir en salle. J'ai fini par le voir il y a quelques temps, et là... gros point d'interrogation. Je n'ai ressenti aucun attachement à quoi que ce soit ni à qui que ce soit dans une histoire à laquelle je n'ai rien compris. Perturbé, et incapable de décider ce que j'avais pensé du film, j'ai décidé de lui donner une deuxième chance...


Et il s'avère bien être un sacré ratage.



L'Humanité



Le film traite de l'Humanité au sens large, regroupant son instinct, son évolution, sa science, son éthique, son amour... Et pourtant, le film semble manquer cruellement d'investissement émotionnel et de chaleur humaine.
C'est un comble, parce qu'avant d'aller dans l'espace, le film met trois bons quarts d'heures à nous présenter Cooper, sa famille et le monde dans lequel ils évoluent. Mais une fois dans l'espace, tout ce développement de personnages disparaît totalement... Le film ne cherche jamais à créer une cohésion ou un esprit d'équipe au sein de l'équipage. C'est quand même absurde, une expérience pareille rapprocherait n'importe qui ! Mais non, nos collègues astronautes ne font que collaborer dans le plus grand sérieux professionnel, et deux meurent avant qu'on ait pu s'y attacher. C'est fou quand on pense que le film repose tellement sur les émotions que Brand (la fille) définit l'amour comme une force universelle qui va au-delà de la conscience humaine, que le monde s'est uni contre l'apocalypse et a cessé toute construction d'armes, et que Cooper nous donne droit à la seule scène émouvante du film quand il voit les vidéos de ses enfants qui deviennent plus vieux que lui et doit subir les reproches de sa fille ! Le film se voudrait une ode aux sentiments humains, mais échoue à cause d'une trop grande partie du film où les relations entre personnages ne sont pas développées. Si on ajoute à cela la mort ridiculement banale du professeur Brand et des retrouvailles père-fille tellement éludées à la fin du film qu'on n'en a rien à foutre, ça rend tout ça encore plus bancal. En fait, le film aurait mérité de passer un peu plus vite sur son exposition mais en contrepartie de réellement développer son équipage d'explorateurs spatiaux. Paradoxalement, on s'attache plus aux robots qu'aux humains. Un beau gâchis.



Deus ex Machina, un problème pas sans gravité



Disons-le, toute cette histoire de théorie de la gravité et d'entités qui contrôlent le temps n'a strictement aucun sens, si ce n'est amener des raccourcis, spatiaux comme scénaristiques, à peine crédibles. J'aime bien l'idée des êtres tellement évolués qu'ils ont acquis un statut de consciences suprêmes, voire divines. C'est tout le thème de 2001 : l'Odyssée de l'espace. Je trouve d'ailleurs la comparaison entre les deux films plus profonde que le simple rapprochement entre deux histoires de SF dans l'espace.


Dans Interstellar, cette intelligence divine crée un trou de vers qui mène à des planètes habitables (et encore pas toutes, ce serait dommage de simplifier la tâche aux humains quand on manipule l'espace-temps), et en plus justifie une certaine "théorie de la gravité". Le problème, c'est que cette intelligence manipule le temps, mais au lieu d'envoyer des signes clairs aux humains, elle se fait chier à créer un couloir temporel en espérant qu'un type y mette son nez alors que ça a la forme d'un putain de trou noir, afin que le gars puisse se donner lui-même, dans le passé, les coordonnées d'une base spatiale pour ensuite aller dans l'espace et trouver le moyen d'atteindre ce couloir temporel (et encore, le mec se fait chier à écrire "STAY" en morse mais donne les coordonnées quand même, ce qui n'a aucune espèce de logique)...
Que cette intelligence suprême fasse apparaître un trou de vers qui mène à des planètes "habitables", O.K, mais ce couloir qui mène à toutes les époques d'une unique pièce, c'est affreusement tiré par les cheveux et même incohérent (par contre c'est magnifique visuellement il faut dire).
En fait, tout cet arc scénaristique sert à ce que, par miracle, Cooper fasse comprendre à sa fille qu'il communique avec elle depuis l'espace (franchement même pour une fille aussi brillante que Murph, voir des aiguilles bouger sur la montre que lui a donné son père ça suffit pas pour être crédible), que cela lui donne l'élément final pour résoudre l'équation de la gravité (déjà, ça ne veut plus rien dire), et qu'en plus cette équation permette d'un claquement de doigts d'évacuer l'humanité dans des stations spatiales cylindriques composées de morceaux de la Terre (BON DIEU MAIS OU EST LE SENS ?). Ajoutez tout cela au fait que, d'après Cooper, l'entité supérieure qui a permit ces atrocités scénaristiques n'est autre que l'humanité elle-même, qui a atteint son stade d'évolution ultime (le mec sort ça comme ça, oklm). Franchement ? SÉRIEUSEMENT ?! Tout ce pan du film qui se veut inutilement complexe n'a au final aucune espèce de logique. Il y avait pas moyen de supprimer tout ça pour développer les relations entre astronautes ?


Dans 2001 : L'odyssée de l'espace, le même thème est présenté d'un manière cent fois plus logique : les êtres supérieurs n'ont rien à voir avec les humains, mais leur donnent une partie de leur savoir à partir de stèles tellement parfaites géométriquement qu'elles sont la preuve de l'existence d'êtres intelligents, et les placent également comme des sortes de balises que doivent suivre les humains pour les atteindre, et accéder à une renaissance. C'est beaucoup plus simple et logique. Surtout que dans 2001, la froideur et l'absence d'attachement aux personnages participent à l'ambiance oppressante du métrage, et sont donc justifiées.



Une mise en scène qui ne crée rien chez le spectateur



Le dernier point qui rend tout ça bancal, c'est la mise en scène affreusement effacée de Nolan. La manière de filmer ne rend jamais hommage à ce qui se passe : quand on apprend que le plan A n'a jamais été destiné à réussir ? Simple champ-contre-champ ; quand Cooper voit ses enfants vieillir ? Simple champ-contre-champ ; quand on apprend que Mann est un traître ? Des plans fixes ou quasiment (Nolan ne s'autorise même pas un seul dé-bullage, ce qui me paraîtrait pourtant le minimum en termes de grammaire cinématographique dans cette situation), sans rien pour accentuer la dramaturgie. En fait, Nolan ne fait jamais ici preuve d'un quelconque effort de réalisation. Tout ce que le film crée chez le spectateur ne vient pas de la mise en scène.
Ce qui crée l'émotion dans la scène où Cooper voit les vidéos, c'est le jeu d'acteur bluffant de McConaughey. Ce qui crée la tension dans la scène où Cooper est en train de s'asphyxier après que Mann lui ait pété son casque, c'est simplement l'écriture de la scène. Ce qui crée l'émotion dans tout le reste du film, c'est le talent des équipes d'effets spéciaux qui offrent des images sublimes, le tout sur fond des compositions splendides d'Hans Zimmer (chaque note nous transporte dans le vide spatial et nous fait sentir en apesanteur). Je pense que ce sont tous ces artifices qui ont convaincu le public que le film est magnifique, alors qu'il est raté.



Sérieusement, un chef d’œuvre ?



J'ai pas vu tous les Nolan, mais rien qu'à voir son talent dans la trilogie du Dark Knight et dans Inception, comment parler de chef d’œuvre face à une bouillie incohérente ? Le film reste divertissant et joli grâce à son esthétique, sa musique et ses acteurs, mais le scénario et la mise en scène s'écroulent pour peu qu'on teste un peu les fondations... Le film n'est au final ni à fuir, ni à creuser.


PS : Et puis passer sans cesse du scope à l'IMAX c'est d'un chiant...

Naskor
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le 26 août 2015

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Naskor

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