Takahata qui explique la guerre aux enfants.
Qui rend tous ses symbolismes incroyablement clairs. Déjà par la quantité de plans mettant un point d'honneur à montrer le ciel, autant dans sa beauté que son présage de mort, et les nombreuses fois où il se mêle aux flammes, où au contraire, se reflète dans l'eau : tout cela pour exprimer l'horreur et le passage dans la mort, tout autant que la beauté de la vie. Cela se traduit dans des plans symétriques entre ciel et eau ou entre ciel et flammes. Ensuite par l'utilisation des lumières, splendides : la lumière rouge qui éclaire nos deux spectres en début et fin de film, mais aussi l'analogie évidente entre les lumières des lucioles et celles des navires de la marine, montrant à quel point la force du patriotisme est éphémère face à la fatalité de la défaite. Analogie intéressante aussi avec les pétales de cerisier, qui enchaînent en fondu avec les grains de riz blanc, passage de la douce nostalgie familiale à la réalité des besoins alimentaires. Le hasard est également clairement visible dans tous les passages de bombardements, lorsque c'est la maison juste en face des personnages qui s'enflamme, ou l'endroit où ils étaient quelques secondes auparavant qui explose.
La mort est présentée comme quelque chose de quotidien, d'ordinaire, en particulier dans cette scène où Setsuko écrase une luciole par inadvertance. Les lucioles meurent si vite, comme autant d'étoiles qui s'éteignent peu à peu... Takahata a fait le choix d'annoncer dès la première phrase du film la mort du personnage principal. Ça rend l'impact de la fin moins fort que dans un Pompoko, par exemple, où l'espoir a été entretenu tout le film durant. Mais toute l'intention est là. Takahata adoucit la fatalité, pour mettre les jeunes spectateurs face à elle. La mort de Seita et de Setsuko est présentée comme poétique plus que tragique, comme une chose acquise et attendue. Un passage après lequel le monde continue, comme l'exprime le plan de fin, Takahata aimant visiblement conclure ses films sur les lumières de la ville.
Malgré cet adoucissement, le réalisateur n'hésite pas à montrer la réalité des choses, l'image de la mère gravement brûlée étant un choc parmi d'autres. Cela ne l'empêche pas de légèrement masquer l'horreur par d'habiles jeux de lumières, notamment dans la première scène post-bombardement, où le sang des cadavres se confond avec les flammes. Le film est donc d'une justesse incroyable par rapport à l'expression de l'horreur, qui ne tombe jamais dans la surdose tout en étant palpable et réaliste. Et on a beau savoir que tout le monde va mourir, ça n'empêche pas la tristesse d'exploser dans la séquence de la mort de Setsuko.
Ce qui n'empêche pas la majorité du métrage de s'attarder sur des tranches de joie de vivre. Tous les personnages sont profondément humains, en particulier les deux principaux, mais également la tante dure mais forte, et les silhouettes et personnages tertiaires, auxquels le film parvient toujours à donner un léger relief : on pensera au policier, à la fille qui retrouve sa mère après un voyage, au père de famille qui vend régulièrement du riz à Seita et Setsuko...
Beaucoup, beaucoup de pathos. Des longueurs certes. Néanmoins l'émotion est là, entre la débrouillardise des ces deux gamins qui parviennent à oublier, et même à se rire de l'horreur, comme quand Seita profite d'un bombardement pour chaparder chez l'habitant, criant aux bombardiers de continuer ce qu'ils font...
Le thème principal restera éternellement l'une des musiques tristes au violon par excellence.
Une leçon d'écriture, d'ambiance, de mise en scène. Un film important, que je vois bien trop tard comme le gros inculte que je suis.