Intruders
5.3
Intruders

Film de Adam Schindler (2015)

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Deux ans après Delivery, premier film tourné sous forme de found-footage (Blumhouse oblige), Brian Netto et Adam Schindler sont de retour avec Intruders, un "Home Invasion Movie" qui fit forte impression sur le circuit des festivals, notamment de par son aspect froid et dérangeant. Échangeant cette fois leurs rôles (Brian Netto à la production, Schindler prenant le poste de réalisateur pour la première fois de sa carrière), les deux compères, secondés par T.J. Cimfel et David White au scénario, livrent un travail remarquable, véritable expérience visuelle goûteuse, dont l'intrigue n'hésite pas à négocier de nombreux tours et détours. Intruders n'est pas un film explosif, mais, comme le plaisir lancinant qu'il est, il parvient à conserver une énergie stupéfiante tout au long de son déroulement scénaristique, symbolisée par cette mise en scène menaçante utilisant à outrance le faux-semblant et le non-dit, nous offrant un spectacle peu commun, où rien de ce que le cinéaste nous montre n'est à croire inconditionnellement.


Sur-ce, passons directement par la case synopsis:


Anna (Beth Riesgraf) a du mal à faire face à la mort imminente de son frère, Conrad (Timothy T. McKinney), atteint d'un cancer du pancréas et vivant ses derniers jours alité dans leur maison d'enfance. Lorsque Conrad trépasse, Anna, dont la vie ressemble désormais à un long chemin de croix, finit par trouver le réconfort auprès d'un employé d'une entreprise de livraison alimentaire, Dan (Rory Culkin), qui charme la timide femme avec humour et sincérité. Alors que sa famille se prépare à assister aux funérailles de son frère, Anna, souffrant d'agoraphobie sévère (Elle n'est plus sortie de sa maison depuis 10 ans) se voit soudain confrontée à l'arrivée de trois voleurs, JP (Jack Kesy), Perry (Martin Starr) et Vance (Joshua Mikel), ayant décidés d'investir la maison à ce moment précis pour y dénicher un magot, pensant qu’ils seraient tranquilles durant quelques heures. Anna, incapable de s'enfuir, la faute à sa maladie, subira donc les violences de ses tortionnaires. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que l'agoraphobie sévère n'est pas la seule psychose qui hante Anna…


Intruders est un thriller horrifique avec une touche de slasher bienvenue, débutant tel un jeu du chat et de la souris morbide, ce film se transforme rapidement en une histoire de traque impitoyable, bien plus tordue et effrayante que ce à quoi on pourrait s'imaginer au premier abord. L'élément chargé de donner tout son sel à ce métrage à priori classique se révèle être sa capacité à subvertir les codes d'un genre pourtant très rigide, bien que certaines séquences finissent malencontreusement par tomber dans le cliché qu'il cherche désespérément à éviter.


Loin de se cantonner à ce registre, le film parvient également à instaurer une bonne dose d'affect, même dans ses scènes les plus violentes, Intruders est avant tout une œuvre prenant le temps d'étudier ses personnages. Ainsi, Anna est une femme introduite comme découragée par la perte potentielle de la seule personne qui la comprend vraiment. Tout au long de son interprétation, Beth Riesgraf se révèle très touchante, mais surtout particulièrement efficace à travers son personnage de femme-ermite, cachant jalousement ses secrets de famille dans les moindres recoins de sa maison, particulièrement lors des scènes finales, où elle s'affirme d'une façon si imprévisible que tout le reste du casting semble presque à la dérive, ses anciennes plaies béantes étant sur le point de se rouvrir suite aux récents événements et à l’intrusion dans sa vie d’une nouvelle réalité à laquelle elle devra faire face. Le jour des funérailles de Conrad représentent par ailleurs le début d'une période particulièrement angoissante de prise de conscience pour elle. Sa personnalité et son ton sont ici construits avec soin, Schindler prend le temps de la découvrir, de la mettre en place, récompensant la patience du spectateur en nous livrant notamment bien plus de détails personnels que le genre ne le permet normalement. Anna fait non seulement face à la mort de son frère, mais aussi à tous les problèmes d'ordre juridique que cela entraîne, symbolisés par une femme avocat particulièrement irritante (Leticia Jimenez), ne trouvant la quiétude qu'à travers les visites quotidiennes de Dan, livreur alimentaire aux faux-airs de de pseudo-geek pleurnichard dont l'intérêt scénaristique oscille entre le flirt et la convivialité, dans la parfaite continuité de la carrière de Rory Culkin.


Par la suite, Intruders va progressivement se transformer en une histoire d'invasion, nous contant la lutte d'Anna pour rester hors de portée des trois malfrats ayant pénétrés sa maison, à la recherche d'un hypothétique magot dont ils semblent posséder une connaissance étrangement précise. Encore une fois, leurs tempéraments sont très bien définis par le script, on rencontrera ainsi le leader JP, le sadique sans pitié, Perry et Vance, l'esprit sensible. Dans les faits, on s’intéressera surtout ici au personnage de Perry, incarné par Martin Starr, acteur comique notamment connu pour ses rôles dans Freaks & Geeks et Silicon Valley, se révélant, dans un rôle totalement à contre-emploi, comme le plus effrayant des intrus envahissants la maison, privilégiant la violence psychologique plutôt que physique, et s’imposant au final comme véritable tête d’affiche en justifiant complètement sa place de principale menace au sein même du groupe d’antagonistes du récit.


Dans son ensemble, ce trio est notamment caractérisé par une incroyable hostilité, particulièrement lorsqu'ils réalisent qu'Anna est toujours présente à l'intérieur de la maison et ne se laissera pas faire, leur stratégie s'articulera ainsi autour d'une tentative insidieuse de domination mentale par l'exploitation de son agoraphobie. Schindler nous offre par ce biais une relecture fascinante du Panic Room de Fincher, en gardant sa caméra inlassablement braquée sur Anna, forçant son héroïne à rester plongée au cœur de l'action, subissant malgré elle l'expérience de la cruauté sans remords à travers sa quête de délivrance. Cependant, cette escalade de violence se voit soudain perturbée par un twist scénaristique terriblement bien amené et extrêmement intelligent, en plein milieu du récit, les événements prenant tout d'un coup une tournure nettement plus fascinante, bien plus oppressante et psychologique, c'est à ce moment précis que le film commence à afficher toute son ambition, et prend sa réelle saveur, lorsque la maison elle-même se transforme en une habitation des plus sinistres, et ce, dans un but bien précis, que la réalisation de Schindler prendra un malin plaisir à nous révéler.


Bien entendu, la fameuse révélation surgissant au milieu de l'intrigue est pour le moins exubérante, mais son concept reste assez novateur et la surprise qu'elle provoque, toujours très captivante, de sorte que le film parvient sans peine à garder l'attention du spectateur pendant les 45 minutes suivantes, même si tout n'est pas parfait à ce niveau-là. Les scènes violentes notamment, ont tendance à devenir un peu trop monotones, certaines facilités scénaristiques se font également sentir, rendant ce deuxième acte parfois prévisible, jouant peut-être abusivement de son cadre de simili-film de torture porn, en faisant notamment fi de nombreuses invraisemblances. En d'autres termes, le point culminant du film ne se situe ni à son début, ni à sa fin, mais bel et bien en son centre, excluant d'office toute construction en crescendo, pourtant très commune à ce genre d'histoires.


Intruders est un film qui possède sa part de rencontres macabres, de membres brisés, et d'effusion de sang, ces événements baignant tous dans une atmosphère globale atteignant des sommets horrifiques insoupçonnés, la mise en scène étant ici bien aidée par d'excellentes performances d'acteur. En dépit d'une tendance un peu trop marquée à verser dans l’ultra-violence, Schindler garde son sang-froid de technicien tout au long de son intrigue, en affichant notamment une encourageante créativité malgré un budget limité, préférant se faufiler dans le dos du public pour le prendre par surprise, plutôt que de lui afficher frontalement toutes ses intentions. La philosophie découlant de ce film dénote ici un véritable travail de cinéaste, de par l'étude des motivations de ses personnages, mais aussi de par l'expérience purement visuelle qu'il nous propose, martelant ses thèmes sans relâche, grâce à un rythme infernal conçu pour tourmenter autant ses personnages que ses spectateurs, nous laissant baigner dans la confusion la plus totale durant une bonne partie de son récit, avant de nous happer pour ne plus nous relâcher jusqu'à son clap de fin.


Au final, Intruders n'est pas un film d'horreur particulièrement hardcore comme tant d'autres avant lui, la violence dont il fait preuve, sèche et sans concession, fera surtout grincer des dents de par son aspect non conventionnel et incongru dans un tel film, qui, d'une manière générale, s'éloigne progressivement de ses propres dogmes en prenant le parti de suivre une filière totalement inattendue et déstabilisante. En somme, Intruders est un film captivant, visuel autant que psychologique, énervant tout en restant fascinant, et bien que son intrigue soit délibérément rythmée, il restera comme une œuvre qui a des choses à dire, et tout simplement un film qui vaut clairement le coup.

Schwitz
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le 16 juil. 2017

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