La première problématique pour cette quatrième adaptation du roman de Jack Finney fut de trouver un nouveau nom. Après que Don Siegel et Philip Kaufman aient tout deux utilisé "Invasion of The Body Snatchers" Abel Ferrara a eu l'idée de raccourcir à "Body Snatchers" et raccourcir d'avantage devient difficile. "Body" ça sonne comme un film de cul, "Snatchers" ça fait trop vague, "Body Snatch" ça fait parodie de cul d'un film de Guy Ritchie.
Mais c'est bien sûr : "The Invasion" quitte à raccourcir autant le faire par l'autre bout ! Voilà un titre qui envoie du bois, un truc mystérieux et inquiétant à la fois. Et puis en faisant disparaître le terme "Body Snatchers" du titre ça permet de noyer le poisson, de faire passer ça pour un truc tout neuf.
Un brainstorming intensif accouchant sans doute de la meilleur idée de cette quatrième version (ou troisième remake selon le point de vue). Autre "changement majeur" : on dit adieux aux Hommes-cosses puisqu'il n'y a plus de cosses dans cette nouvelle version. En 2007 on parle ADN, on parle virus, on parle nano-menaces, en 2007 on a vu les Experts. Un changement pas forcément bête en soit mais exploité de façon bien maladroite.
On a ainsi le droit à une explication en bonne et due forme sur le fonctionnement de l'infection au niveau cellulaire par des scientifique en combinaisons et on subit les séquences de recombinaison d'ADN en 3D lorsqu'un personnage se fait infecté, des fois qu'on aurait pas compris. Prenant l'audience pour des idiots on trouve même pertinent d'expliquer pourquoi l'infection a lieu pendant la nuit, à grand coup d'hormones...
La menace perd d'emblée une grande partie de son intérêt, avec un ennemi aussi bien identifié difficile d'instiller l'étrange, le bizarre... l'interprétation et le doute n'ont plus leur place et, par conséquent, la peur non plus.
Les scénaristes ont tellement peu confiance dans les capacités d'analyse des spectateurs qu'ils se sentent obliger d'écrire un dialogue bien lourd sur les grandeurs et les bassesses de l'humanité. Tout le propos des Body Snatchers est étalé en grosse tartine verbeuse de peur que le public ne comprenne pas la portée universelle de cette histoire.
Le formatage ne s'arrête hélas pas là puisque le film croit bon d'identifier un "super méchant", une sorte de leader qui dresse un plan et une stratégie. Non content de ne rien apporter, si ce n'est un cliché encombrant, ce choix est un contre-sens vis-à-vis de la logique de groupe voulue par les envahisseurs. On a aussi droit à un glissement d'empathie vers le sort de nos amis les canidés, victimes systématiques de ces envahisseurs sans âme. Roand Emmerich serait fier.
Et puis il n'est plus question de substitution mais de maladie : les humains changent mais ne sont pas remplacés, ne sont pas tués et on introduit même la possibilité d'un remède via des humains immunisés... "The Invasion" ressemble donc plus à un film de zombie qu'à ce qu'il est censé être, ça tombe bien, les zombies c'est aussi à la mode mais attention comme c'est crade on n'en fait pas un vrai non plus, il ne faut pas choquer le fan club de Nicole Kidman tout de même.
Les personnages traversent ces évènements sans faire de sacrifices, sans affronter de réels dilemmes, le film reste en surface et n'exploite jamais tout le potentiel qui s'offrait à lui.
Avec ce ton résolument lisse, cette approche fade le dénouement complétement plat et vide de sens du film n'étonne guère, malheureusement.
La réalisation est tout aussi fade que le traitement du scénario, avec des décors inondés de lumière pastels et des cadrages composés à 90% de plans moyens à focales moyennes. Invasion à l'allure d'un téléfilm. Seule la présence de Nicole Kidman (plus MILF que jamais ! ) et de Daniel Craig nous rappelle qu'on est ici dans un film de cinéma avec un gros budget. Dans le genre "choix audacieux mais mal exécuté" on pourra aussi parler du montage qui essaye de déconstruire le temps en mêlant présent et futur. Si l'artifice fonctionne sur une scène ou deux il apparaît complètement gratuit sur les autres. Un gimmick qui tente vainement d'insuffler la confusion et la tension complètement absente du reste du film mais qui n'y arrive pas non plus. Par ailleurs le film est assez poussif.
L'histoire dit qu'Olivier Hirschbiegel a été écarté du film et que le studio a retourné et remonté une grande partie du film dans son dos. Difficile de savoir dans quelles proportions ces choses ont eu lieu mais cette version 2007 de Body Snatchers est catastrophique de bout en bout. Catastrophique en tant que remake (le récit est vidé de toute substance) mais catastrophique en tant que spectacle "autonome" également. La version 1993 d'Abel Ferrara sonnait déjà comme la version de trop, autant dire qu'on est en présence ici d'un film totalement dispensable.