Il y en a eu pas mal, d'adaptations de l'homme invisible. On se souvient notamment que Paul Verhoeven s'y était essayé avec Hollow Man, dans un festival démonstratif, violent et d'un graphique tout aussi étourdissant que revigorant.


C'est Leigh Whannell qui reprend le flambeau aujourd'hui au service de Jason Blum et sa formule mini-mise pour maxi-profit, tout en creusant le sillon du mal, voire de la perversion.


Au vu du spectacle, il y aurait largement de quoi ranimer les espoirs d'Universal concernant un monster-verse mort-né, tant le film semble avoir tout compris pour garder son spectateur en haleine de manière efficace et charnelle.


Mais Leigh Whannell a aussi quelque chose à raconter, faisant en sorte que Invisible Man transcende littéralement sa simple identité de film d'épouvante lambda. Car il s'agira beaucoup plus d'un thriller basé sur le harcèlement domestique, de la chronique d'une femme persécutée, de son traumatisme, de la figure omnipotente du pervers narcissique en pleine possession de son pouvoir de nuisance et qui a fait de sa vie un enfer.


La mise en scène tend vers une épure presque cristalline, s'inscrivant à rebours de la formule rebattue du genre telle qu'on peut la connaître aujourd'hui. Pas d'effets spéciaux ostentatoires, pas de jump scares archi attendus, mais de longs plans sur un décor a priori vide, s'insinuant dans l'angoisse ressentie par la victime, dessinant l'invisible et la menace diffuse, omniprésente, lourde d'une présence prenant des allures de paranoïa.


Il s'agit donc là, pour Whannell, de mettre en images la terreur perpétuelle, le stress post-traumatique subis de la part d'un manipulateur du genre masculin toxique, avec bien plus d'acuité et de sincérité que tous ces films alibi qui se réclament de l'émancipation de la femme et de la fin du patriarcat avilissant.


Jusqu'au basculement, aux yeux de l'entourage de l'héroïne, dans la folie.


Certains noeuds du récit rendront sans doute perplexe certains ici. Tout comme le déséquilibre du film lorgnant vers l'action dans sa dernière partie. Mail Leigh Whannell a l'immense mérite de croire en son intrigue, de la porter jusqu'au bout et de la traiter sans aucune once de cynisme ou d'humour qui aurait été à coup sûr déplacé. Mais le spectateur est happé en étant plongé, comme en apnée, dans une histoire tendue et un rythme haletant. En assistant, impuissant, à ce que subit Elisabeth Moss, entraînée dans une vertigineuse spirale de malaise.


Au point de ressortir de la salle avec l'impression chevillée au corps que Invisible Man s'impose comme la première surprise de 2020, tant la modernisation de sa figure se montre efficace, tant le film est porté de main de maître par un réalisateur qui fait preuve d'un caractère affirmé et d'un point de vue sur ce qu'il a envie de raconter.


Behind_the_Mask, sans l'ombre d'un doute.

Behind_the_Mask
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Une année au cinéma : 2020 et Les meilleurs films de 2020

Créée

le 26 févr. 2020

Critique lue 4.5K fois

58 j'aime

6 commentaires

Behind_the_Mask

Écrit par

Critique lue 4.5K fois

58
6

D'autres avis sur Invisible Man

Invisible Man
Sergent_Pepper
6

Blind fate

Adapté à de multiples reprises, le motif de l’homme invisible est un fantasme à double tranchant, sur lequel Verhoeven lui-même s’est cassé les dents : l’occasion d’un exercice de style presque...

le 22 sept. 2020

54 j'aime

2

Invisible Man
EricDebarnot
8

Perversion narcissique : la violence invisible...

On connaît le principe : depuis que H.G. Wells a inventé le concept de l'homme invisible, le cinéma n'a jamais cessé de vouloir relever le défi de filmer cette invisibilité. Avec plus (James Whale en...

le 3 mars 2020

50 j'aime

4

Invisible Man
Theloma
7

Si j'étais invisible...

La miss Moss elle est vraiment pas gâtée. La voici mariée à un génie de l’optique, millionnaire de surcroît et excusez du peu, inventeur de la combinaison parfaite d’invisibilité. Mais pas de bol...

le 4 mars 2020

45 j'aime

16

Du même critique

Avengers: Infinity War
Behind_the_Mask
10

On s'était dit rendez vous dans dix ans...

Le succès tient à peu de choses, parfois. C'était il y a dix ans. Un réalisateur et un acteur charismatique, dont les traits ont servi de support dans les pages Marvel en version Ultimates. Un éclat...

le 25 avr. 2018

205 j'aime

54

Star Wars - Les Derniers Jedi
Behind_the_Mask
7

Mauvaise foi nocturne

˗ Dis Luke ! ˗ ... ˗ Hé ! Luke... ˗ ... ˗ Dis Luke, c'est quoi la Force ? ˗ TA GUEULE ! Laisse-moi tranquille ! ˗ Mais... Mais... Luke, je suis ton padawan ? ˗ Pfff... La Force. Vous commencez à tous...

le 13 déc. 2017

193 j'aime

39

Logan
Behind_the_Mask
8

Le vieil homme et l'enfant

Le corps ne suit plus. Il est haletant, en souffrance, cassé. Il reste parfois assommé, fourbu, sous les coups de ses adversaires. Chaque geste lui coûte et semble de plus en plus lourd. Ses plaies,...

le 2 mars 2017

186 j'aime

25