Plus de doute chez Blumhouse, qui tranche sur le retour des monstres Universal avec une réelle conviction de réinventer les mythes. Et quand bien même la production excelle dans l’art du divertissement horrifique, parfois à outrance, il faut avouer que l’on tend vers un équilibre dramatique à suivre, notamment auprès des équipes qui ont la responsabilité d’innover et de garder la lame aiguisée. Le réalisateur australien Leigh Whannell est le premier dans le coup, après nous avoir fait comprendre que son “Upgrade” avait plus de potentiel qu’il n’y paraît. Il enchaîne donc avec une relecture intéressante de Griffin et les conséquences de son excentricité. Et pourtant, le scientifique n’est pas le cœur du sujet, mais il maintient ce rythme et cette tension autour d’une victime, dont on adopte le point de vue. L’idée peut s’avérer limitée, et même détournée à des fins plus subtiles, mais la finesse se trouve ailleurs, quelque part entre ce que l’on voit et ce que l’on ressent.


Nous avons une femme en quête de rébellion, mais le courage ne fait pas tout, notamment lorsqu’il s’agit de violence conjugale ou de relation toxique. Elisabeth Moss porte donc son personnage Cecilia avec une grande crédibilité. Jamais dans le surjeu, cette battante admet tout de même ses faiblesses, à savoir des cicatrices qui ont longtemps baigné dans des traumatismes douloureux et intérieurs. On ne révèle pas tous les aboutissants et la première partie nous laisse suggérer et déduire énormément d’hypothèses, avant de trancher entre une réelle folie ou bien l’œuvre d’une menace invisible et palpable. Le récit repousse cependant plusieurs fois l’échéance et parvient à garder son jeu optique qui forge la paranoïa de Cécilia et peut-être même du spectateur. Toute la mise en scène repose sur les bases du harcèlement et des codes de l’horreur. Et le traitement passe inévitablement par l’aspect d’une guérison déguisée. Le fantôme ou encore le spectre d’un homme rôde pour insuffler de la peur et elle sait facilement traverser l’écran pour nous alerter. La mécanique verra sa pertinence et son efficacité s'atténuer, passé un certain acte percutant, mais d’autres détails peuvent irriter, car on se répète ou on perd de la visibilité dans la structure narrative.


L’intrigue a vraiment du mal à trouver une conclusion, car il faut déclarer le triomphe ou la chute de l’héroïne. Mais avec les thématiques fortes du moment, il serait impossible de voir cette fin se détourner de ses objectifs. Pas d'ambiguïté, nous avons un rapport de forces qui change radicalement et qui jure un peu avec ce qui a été posé. L’influence de MeToo oriente encore certaines décisions et on ressent cette confusion au bout d’un moment. Ce qui ne nous gâche pas le plaisir pour autant, mais de la frustration s’en dégage inévitablement. Peut-être qu’un brin de subtilité aurait pu maquiller ces maladresses. Le travail du hors champ et des espaces vides est néanmoins réussi, ce qui nous prouve que ce film possède deux types d’emprise. D’un côté, nous avons un cinéaste qui use intelligemment du cadre et de l’autre, nous avons un discours un peu trop badigeonné d’excès.


Tout n’est pas parfait, mais tout semble maîtrisé et “The Invisible Man” (2020) s’installe convenablement dans les esprits. Il s’agit d’un beau rattrapage pour Blumhouse qui n’a pas hésité à limiter les effets visuels et à virer l’action décalée. Les fuyards seront prévenus, car il y a une forme de modestie qui ne peut plaire à tous les amateurs de gore ou de jump scare. Le Monster Universe devrait typiquement s’inspirer de cette première étape, qui mêle habilement la fantaisie et ce que le cinéma moderne a à offrir. Attention toutefois à ne pas étirer le support à l’excès comme Whannell a pu le faire sur des scènes qui ont beau avoir l’air dynamiques, mais qui s’avèrent redondantes. Laissons donc une chance à la tragédie de se manifester et de rendre l’invisibilité possible, tout en la gardant mature.

Cinememories
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le 28 févr. 2020

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