Jusqu'à ce que les lumières s'éteignent, il était difficile d'imaginer à quoi s'attendre (je n'étais pas allé à la pêche aux infos, mais je crois que peu avaient fuité). Autant lorsque Muse a porté son live au cinéma, on savait qu'on allait avoir grosso modo ce que contient un DVD de live classique mais avec la qualité ciné. Ici, entre les expérimentations du duo et ce titre à tout le moins intrigant, l'imagination a été mise à contribution en amont. Pour répondre directement à la question : est-ce un Space Opera ? Non, pas vraiment. Mais j'ai beaucoup aimé.


Avant d'avoir droit à IRIS, nous avons eu une introduction à IRIS : un documentaire d'une vingtaine de minutes racontant la genèse du projet, la réalisation technique, l'équipe impliquée et tutti quanti. Une initiative louable pour préparer le spectateur à ce qu'il va voir et lui permettre de comprendre les intentions de Justice. Ça aide à cerner si l'on vient voir un concert, un film musical, un Space Opera, ou des images avec la musique de Justice... en fait c'est un peu tout ça à la fois.


Le groupe a filmé leur concert de Woman Worldwide sans aucun public, avec des jeux de lumière sophistiqués et un sol miroir créant des effets esthétiques, agrémentés de quelques passages visuels plus typés "images spatiales".


Mais vingt minutes c'est tout de même longuet, on n'est pas venu voir un documentaire non plus, surtout avec la fin qui ressemble plus à un remerciement envers les personnes présentes depuis dix ans. Place donc à IRIS.


Résumer de façon détaillée et chronologique serait contre-productif. Ce qui ressort le plus de ce film, c'est une sorte de beauté esthétique permanente, dans une bulle en-dehors de notre espace-temps. Une création artistique visuelle qui vient toucher notre sensibilité au beau. La musique est présente, voire très présente car leur playset live est plus "dur" que les albums, mais elle finit par s'effacer et se fondre dans les jeux de lumière.


Tout est centré sur la lumière, ses couleurs, ses mouvements, ses effets et tout ce que cela crée. Dans l'introduction, le duo français décrit le visionnage idéal comme étant allongé sur l'herbe et le film projeté sur un dôme, en pleine contemplation. Et c'est ce qu'il se crée en voyant ces multiples tableaux lumineux : notre imagination est sollicitée à foison. Tantôt un coucher de soleil, tantôt un réacteur de vaisseau à pleine puissance, on peut se surprendre à créer dans notre esprit des choses farfelues avec de simples faisceaux lumineux. Simples mais nombreux : ça fourmille de détails visuels par moments, et certains tableaux sont réellement magiques. Une scène m'a par exemple fait penser à des monstres géants refermant d'immenses mâchoires à grandes dents (pourquoi pas !).


La présence du sol miroir est un avantage extraordinaire au rendu visuel, créant des réflexions légèrement déformées aux lasers ou isolant l’ilot de consoles comme un vaisseau flottant. A certains moments l'ensemble visuel est juste "parfait", et j'ai plusieurs fois ressenti cette bouffée d'émotion quand quelque chose de beau nous est présenté.


Musicalement, c'est totalement ce qui est présent sur l'album live WWW sorti l'an dernier. Pas de surprise donc, et quelques "cross-musiques" sont assez décevantes à mon goût car elles gâchent les musiques originales ; toutefois cela est imputable à la création du live et non au film en lui-même. L'ensemble reste tout de même très plaisant. C'est d'ailleurs un mélange étonnant entre l'envie de bouger sur cette musique (mes doigts et mes pieds n'ont pas résisté) et l'état de contemplation dans lequel on est presque forcé de se trouver.


Comme je l'annonçais en introduction, ce n'est pas un Space Opera. En tout cas, pas au sens classique du terme comme on pouvait de toute façon s'y attendre. Il n'y a pas de narration le permettant, pas de visuels annexes suffisant pour vraiment raconter quelque chose. Pour autant, avec plusieurs tableaux faisant penser à un vaisseau et le côté éthéré qui se dégage par moments, si on ouvre le terme Space Opera à une œuvre musicale mêlée à un thème spatial... Un nouveau genre a-t-il été créé ? En tout cas, je ne crois pas que le concept a déjà été produit.


Bien sûr il y a quelques défauts, dont certains importants, mais inévitables avec ce type d’œuvre. Déjà, il est clair que ça ne conviendra pas à tout le monde et qu'il est possible de passer totalement à côté. C'est très "space"-ial, plus le côté électro assez brut qui ne conviendra qu'aux amateurs du genre, n'en déplaise aux producteurs qui espéraient ouvrir la musique de Justice à d'autres publics. Certains passages sont vraiment agressifs visuellement et l'avertissement pour les personnes sujettes à l'épilepsie est pleinement justifié... ! Également, la sensation de tourner un peu en rond dans la scénographie visuelle vers la fin du show.


Et enfin les passages avec des visuels synthétiques dans l'espace sont sympathiques mais finalement courts et un peu dénués de sens : on gagne en mystique ce que cela enlève en cohérence.


Autre déception : l'introduction avant le film révèle trop le contenu, enlevant un élément primordial dans ce genre de recherche artistique : la surprise. J'aurais préféré qu'ils restent sur du technique et sur leurs motivations, sans montrer des passages du film. J'espère que la version Blu-Ray (si elle existera) permettra de shunter l'introduction et de se plonger directement dans le film.


IRIS c'était beau, c'était fort, ce n'était pas parfait, c'était grandiose par moments... et moins à d'autres. Et d'ailleurs, pourquoi ce nom ? L'iris, l’œil, la lumière... ou les quatre nouvelles lettres de la Croix ? En unifiant musique et lumière, leur son a été matérialisé.

Eruanno
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le 30 août 2019

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