It Follows de David Robert Mitchell mérite-t-il toutes les éloges reçues lors de sa sortie ? J'ai tout lu et tout entendu à son sujet, "le meilleur film d’horreur de la décennie", "le renouveau du film d'horreur", "le digne héritier de John Carpenter", "l’un des films d'horreur les plus effrayants jamais réalisés" ... Je pense que parfois des éloges aussi exagérées, mettant la barre aussi haut au niveau de nos attentes, peuvent jouer en défaveur du film. Les critiques font monter la sauce, pour au final ne susciter que de la déception chez le spectateur.
Ne vous y trompez pas, It Follows vaut vraiment le détour. C'est l’un des films d’horreur les plus intéressants de ces 10 ou 20 dernières années. Même en prenant en compte les quelques lacunes du film et les petits problèmes de rythme, je suis plus qu’heureux à l'idée de soutenir ce petit bijou qui a été récompensé au festival de Gérardmer et de Deauville (deux récompenses amplement méritées). Je félicite également David Robert Mitchell pour son audace au niveau de l'écriture et de la mise en scène. La plupart des films d’horreur sont financés pour de mauvaises raisons, parce que pas besoin de scénario, peu coûteux, rapide à filmer et facile à marketer. Depuis bien longtemps, les studios n'essayent même plus de faire de bons films et se contentent de la médiocrité. Voici un film qui est parti à gauche (innover et surprendre), alors que la plupart du peloton est allé à droite (copier ce qui marche déjà).
Après une scène d'introduction mémorable qui vous met tout de suite dans l'ambiance, nous nous concentrons sur Jay et Hugh (Maika Monroe et Jake Weary), deux jeunes lycéens (ils ont plus l'air d'avoir la vingtième et un peu plus, mais passons) qui ont rendez-vous au cinéma. Dans la salle, Hugh remarque une femme en robe jaune, mais Jay ne semble pas la voir. Il panique et tous deux sortent précipitamment de la salle. Suite à un rapport sexuel à l'arrière d'une voiture, Hugh prend un chiffon de chloroforme et endort Jay ...
Lorsqu'elle se réveille un peu plus tard dans la nuit, elle se retrouve attachée à un fauteuil roulant. C’est là que Hugh raconte à Jay que "quelque chose" le suit depuis longtemps, mais que lui seul peut la voir. Ce "quelque chose" peut prendre la forme d'une femme nue, d'une vieille femme, mais peut aussi prendre la forme de n’importe qui, même les personnes que vous connaissez et aimez. Cette "maladie" peut se transmettre lors d'un rapport sexuel avec une autre personne. La "chose" suivra alors la dernière personne infectée à un rythme de marche et si elle rattrape Jay, elle la tuera et poursuivra de nouveau Hugh.
It Follows est l’un des plus beaux films d'horreur que j'ai vu de ces 10 dernières années. C'est évident qu'un grand soin a été porté sur la mise en scène et la photographie du film. David Robert Mitchell utilise une palette de couleurs très particulière, un mélange de bleu turquoise, de violet foncé et de vert, avec une touche de gris. C'est alors que le rouge sang fait une entrée fracassante à l'écran. C'est une sensation très particulière, d'une puissance visuelle qui fait écho à Dario Argento, comme un hommage à Suspiria dans la sensation ressentie. L’histoire quant à elle s'inspire beaucoup des films d’horreur de John Carpenter et Wes Craven des années 1980. On installe une ambiance étrange au sein d'un teen-movie et l'horreur s'installe peu à peu pour aboutir sur un final très spectaculaire. A la fin du visionnage, on pense forcément à Halloween et à Freddy.
II Follows est un vrai régal d'un point de vue visuel et sonore. Ainsi, la BO de Disasterpeace se combine à la perfection avec la cinématographie de David Robert Mitchell. L’utilisation de synthétiseurs lourds fait que It Follows fonctionne comme un film d’horreur des années 1980. Les synthés sont bruyants et dérangeants, au point même où parfois ils semblent prendre le contrôle de l’ensemble du film. D’autres fois, cependant, ils sont dérangeants seulement pour le plaisir d’être dérangeants et perturbent légèrement la mise en scène de David Robert Mitchell.
Bien que l’intrigue semble déroutante, David Robert Mitchell sait parfaitement où il veut nous emmener avec It Follows. On voit des adolescents échanger des conversations sans but, fuir une menace qu'on ne voit pas, se réconforter les uns les autres par le sexe, se rassurer mutuellement en se disant tout ira bien et discuter des différentes façons de combattre cette force obscure. C’est presque comme si Larry Clark avait fait un film d’horreur, car les changements de ton donnent l’impression de regarder un film dans le film sur les difficultés du passage à l’âge adulte, en plus d’un film d’horreur. Ces changements de ton ne sont pas dérangeants, car ils fonctionnent bien avec les éléments les plus suspensifs du film, en ralentissant un peu l’action pour nous donner un moment de répit. Il y a tout de même des petites baisses de rythmes qui découlent de cela et que je déplore un peu.
La réussite du film, on la doit à la parfaite collaboration entre le réalisateur et son compositeur. Disasterpeace met l’accent sur une partition vivante et intense, tandis que David Robert Mitchell ose s'aventurer au-delà des limites du genre dans l'écriture du scénario et dans la réalisation (en utilisant des plans longs et une mise en scène audacieuse). Ainsi, It Follows est un régal sur presque tous les fronts, sur la forme comme sur le fond. Et puis un petit mot sur l'actrice principale Maika Monroe, qui ne se contente pas d'être belle ici (et elle est vraiment très belle). Son jeu est très intense et elle semble être toujours à la limite de la rupture. J'y vois des similitudes dans son jeu avec Jamie Lee Curtis dans le Halloween de 1978.
Les seuls véritables points négatifs qui font que je ne puisse pas crier au chef d'ouvre, c'est l'impression que le film souffre quelque peu d'une surcharge sensorielle (parfois trop de sons et trop de couleurs en même temps) ou le fait aussi que vers la fin, le scénario semble changer de direction gratuitement, juste histoire de surprendre le spectateur. Et puis j'en reviens aux petits problèmes de rythme, certains plans auraient pus être raccourcis ou certaines scènes qui apparaissent dispensables, auraient pu être coupées du montage final.
It Follows est un film à voir et à soutenir, car c’est l’une de ces rares opportunités que nous avons en tant que spectateur, de voir quelque chose d'original et frais et qu'on a pas l'impression d'avoir déjà vu mille fois. Et en même temps on se régale de repérer toutes ces références au cinéma d'horreur des années 1980, sans que jamais ça en devienne trop lourd. Et même si It Follows n’est pas le joyau parfait qu'on m'a vendu, c'est évident que c'est un film qui a du cœur (7.5/10).