ATTENTION : SPOILERS !!!
David Robert Mitchell s'était fait remarquer dans les festivals avec son premier film, The Myth of the American Sleepover, qui, s'il ne se démarquait pas par son scénario assez classique, sortait du lot par sa mise en scène inspirée créant une ambiance atmosphérique et à la lisière du fantastique ainsi que par la justesse et la tendresse de son regard sur ces quelques adolescents à une période charnière de leur existence. Le genre de premier film sorti de nulle part et qui laisse entrevoir de futurs réussites. Quelques années après, Mitchell revient avec It Follows, film d'horreur dans la plus pure tradition du genre et qui lui permet de franchir un nouveau pas en tant que cinéaste.
Jay, jeune femme tout juste sortie de l'adolescence, trompe son ennui avec ses amis et sort avec des garçons. Après avoir couché avec l'un d'eux, ce dernier lui révèle qu'elle est désormais la cible d'une malédiction prenant la forme d'une personne marchant lentement et la poursuivant où qu'elle se cache. Sur ce postulat de base assez simpliste, le cinéaste réussit à nouveau à se démarquer par sa mise en scène. Le film s'ouvre sur un plan séquence magistral suivant une jeune fille apeurée s'échappant de sa maison pour échapper à une menace invisible. Ce plan associé à la bande son angoissante permet de mettre immédiatement le spectateur dans l'ambiance, le tout étant renforcé par un plan suivant, rare insert gore du film et d'une beauté macabre saisissante. La suite du film est un modèle de mise en scène, où l'on sent déjà la patte du cinéaste qui s'inscrit dans la continuité de son précédent film avec cette banlieue ennuyante et dépeuplée par les adultes. Pas d'effets gratuits destinés à faire sursauter son public ou d'effets gores pour faire ricaner quelques adolescents en manque de sensations fortes. Mitchell préfère faire confiance à son public et à sa capacité à jouer le jeu en distillant une atmosphère angoissante à défaut d'être effrayante. Le choix de la forme prise la « la Chose » est en ce sens une réussite combinant économie de moyen et efficacité (l'identification aux personnages est alors totale).
Mitchell est un cinéaste sous influence, cela ne fait aucun doute. Mais, chose rare, chacune de ses influences semblent être digérée et utilisée avec intelligence, n'encombrant jamais le récit et ne se limitant à aucun moment à une simple référence pour happy few. On pense évidemment, cela avait déjà été noté pour son premier film, à John Carpenter, référence majeure et avouée du film. La manière de filmer les quartiers résidentiels, l'utilisation d'une ritournelle entêtante (essentielle à l'ambiance du film), le côté très premier degré du film (sans pour autant se prendre au sérieux) et l'intemporalité du film font constamment penser à l'illustre Big John. On perçoit aussi des références à Brian de Palma ou au Suspiria de Dario Argento.
Mais, également, le film est aussi un regard assez juste et loin d'être aussi simpliste qu'il le laisse croire sur la jeunesse et le rapport au sexe dans notre société. David Robert Mitchell utilise et détourne le côté un peu puritain que certains pointent parfois dans le cinéma d'horreur en montrant la schizophrénie dans laquelle les adultes plongent leurs enfants. Par des propos en apparence insignifiants, nous apprenons que chacun des protagonistes ont, enfants, reçus des leçons de morales après avoir joués avec des revues porno. « La Chose » devient alors une métaphore de la crainte de la punition qui suit l'acte sexuel. Partagés entre exprimer leur désir sexuel et le réprimer par peur de la punition (par le jugement de la société, par la maladie,...), les personnages sont condamnés à coucher encore et encore pour tenter de fuir (d'oublier?) la punition qui menace. Il n'est alors pas étonnant que la menace apparaisse sous la forme du père de Jay lors de la séquence finale. Ainsi, la fin n'est peut-être pas aussi naïve que certains l'ont perçu : enfin en couple, forme acceptable socialement de sexualité, Jay échappe à la menace tandis que son compagnon va refiler la « Chose » à des prostituées (forme condamnée). Mais aucun des deux n'a vraiment l'air heureux, la banlieue est toujours aussi triste, vide et la malédiction semble menacer toujours.
Avec It Follows, David Robert Mitchell confirme donc être l'un des jeunes cinéastes les plus intéressants (avec Jeff Nichols entre autres) parmi le cinéma américain actuel. Le film est une grande réussite qui en laisse présager d'autres et c'est avec une grande impatience que l'on attend la prochaine œuvre de ce cinéaste déjà atypique.
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