Ne t'enfuis pas, ça ne sert à rien
It Follows n’a pas fait beaucoup de bruit. Arrivé discrètement dans les salles de cinéma, il a tout de même su attirer une petite foule de curieux en quête de stress et de peur. Comme si on n’en avait pas assez tous les jours ! Mais il faut bien le dire, c’est ce qu’on aime aussi quand on va voir un film. Je fais d’ailleurs partie de cette foule… Alors, convaincant ?
Synopsis
Jay est une adolescente sans histoires, qui vit à Detroit avec sa mère et sa sœur. Elle sort avec un jeune homme de son âge. Un beau jour, après une journée en amoureux, ils se retrouvent dans une voiture dans un coin un peu isolé, et ce qui devait arriver arriva. A l’issue de cela, il chloroforme Jay et l’attache à une chaise dans un vieux parking désaffecté. Il lui explique alors qu’il lui a refilé une sorte de malédiction qui fait que des personnages malveillants, que seule elle peut voir, vont sans cesse la traquer si elle ne rejette pas la malédiction sur quelqu’un d’autre.
Pas de tromperies
Soyons simples et allons dans l’ordre des choses. Qu’est-ce qui m’a donné envie de voir It Follows ? Sa bande-annonce bien sûr, et pourtant je suis l’un des premiers à dire qu’il ne faut pas s’y fier pour juger de la qualité d’un film avant visionnage. J’en ai vu plus d’un nous promettre de belles choses pour finalement avoir comprimé toutes les scènes intéressantes dans la bande-annonce et mis sur l’affiche plein de beaux compliments écrits par des journalistes à l’âme généreuse, pour un rendu décevant. It Follows proposait une bande annonce très énigmatique et angoissante. Je dois d’ailleurs avouer qu’elle m’a saisi par son ambiance particulière et m’a incité à aller voir le film pour juger du contenu dans son ensemble. Après visionnage, je me dois de dire que j’ai été pleinement satisfait du résultat offert, qui est vraiment, pour le coup, inquiétant, sombre et stressant à souhait.
Je te suivrai partout où tu iras !
Si le film est un tout, dont les éléments se combinent avec succès, ce qui fait son effet, c’est le choix de l’antagoniste. Impossible à identifier, imperturbable, invincible, cet ennemi avance inexorablement vers ses victimes, lentement, mais sûrement. La créature, ou la chose (enfin, appelez-la comme vous voulez) prend différents aspects au cours de l’histoire. Dans la plupart des cas, il est impossible d’identifier la personne dont elle prend l’apparence, mais chacune de ses apparitions fait son petit effet. Le réalisateur a choisi de filer en Cinémascope, ce qui donne un petit côté vintage au film, mais permet également d’effectuer un travail énorme sur l’ambiance restituée. Je retiens surtout une scène du film, où l’héroïne est en salle de classe, et se met à regarder dehors. Le rendu panoramique permet d’avoir une vue d’ensemble de la grande cour du lycée, et nous permet de distinguer une vieille dame en tenue d’hôpital qui s’avance lentement, au milieu des élèves, vers la caméra depuis l’extérieur. La scène ainsi décrite paraît plutôt anodine, mais de mon côté, elle a fait son effet.
De l’electro, oui, oui et re-oui !
Quand on parle d’ambiance, on parle bien sûr généralement de l’aspect visuel du film et de ce qu’il retranscrit. Mais la musique a un rôle clé dans l’ambiance restituée, et le réalisateur a ici fait un très bon choix en la matière. Il a fait appel à Disasterpeace, un artiste que je ne connaissais pas mais qui a apporté une contribution majeure à ce film en réalisant une BO electro de toute beauté. C’est un genre musical qui m’a toujours plu, mais dont la présence au cinéma reste encore relativement marginale. Pourtant, cela offre de nombreuses possibilités, et j’avais déjà loué le résultat obtenu dans Cold In July, qui était plus que probant. La BO d’It Follows est puissante, avec des morceaux stressants et inquiétants, ou d’autres qui nourrissent le côté sombre du film. Je retiens entre autres le thème principal du film et le titre « Detroit », qui sont deux véritables petites pépites, brèves mais intenses. Ce parti pris donne une vraie identité au film, l’éloignant des films grand public pour un rendu plus « privé », comme en témoigne d’ailleurs sa faible médiatisation.
Habile et efficace
Ainsi pourrait-on résumer la clé du succès d’It Follows. En effet, il aurait pu tomber dans moult pièges, et pourtant, il a su les éviter avec brio. Des Teenage Movies avec un groupe d’ados poursuivis par un vilain, on en a déjà vu plein, mais celui-ci, bien qu’il reprend la même base, n’a aucun point commun avec tous les petits films d’horreur miteux apparentés au genre. Finalement, le grand méchant dans ce film, c’est l’inconnu. L’inconnu représenté par les manifestations qui harcèlent Jay, mais aussi l’inconnu lié à la sexualité, source d’a priori et de craintes. A la fois poison et remède, elle tourmente les adolescents comme elle peut le faire dans la réalité. A la fois allégorique et fantastique, It Follows est un excellent représentant du genre de l’épouvante, qui s’affranchit des clichés et brille par ses acteurs investis de bout en bout (excellente performance de l’actrice principale), sa réalisation de choix qui ne va pas sans rappeler les années 1970, et sa BO electro du meilleur goût. It Follows est une excellente expérience sur plusieurs points, et je ne peux que le recommander tant qu’il est encore en salles !