It Follows explique qui il est dès ses premières images, avec son décor de banlieue proprette qu'on jurerait tout droit sorti d'une scène coupée du Halloween de John Carpenter. Et c'est de ce côté là qu'il faut chercher son ancrage et sa filiation. Sa musique facilite encore plus le parallèle : synthétique, dissonante, froide et lancinante.
It Follows a le bon goût de faire évoluer des adolescents qui ne sont pas systématiquement des têtes à claques, des personnages qui ne sont pas cantonnés à leur rôle de quantité négligeable tout juste bonne à servir de victime à un boogeyman quelconque. Et surtout, David Robert Mitchell va bien au delà de la simple volonté de faire peur, ce qu'il fait d'ailleurs à la perfection. Tout d'abord parce qu'il plaque sur la pellicule son point de vue sur le genre slasher. Parce qu'il renoue avec la tradition ancienne de maître Carpenter et distille une ambiance qui fait naître insidieusement le malaise. Mitchell prend son temps. Et de certains plans naît la peur pour le spectateur. Des plans larges et vides ? Il s'inquiète et il scrute, anticipant le jaillissement d'une menace invisble et/ou indistincte. Dans d'autres, des strates sont occultées, confinant le regard et faisant surgir l'incertitude.
Tous ces sentiments entremêlés et anarchiques, au final, ne parlent que d'une chose : l'adolescence. Et ses tourments. Un temps où on fume, on picole et où on expérimente le sexe, de manière plus ou moins heureuse. C'est une période où on fait des erreurs et des grosses bêtises, où l'incertitude étouffe et la liberté fait ressentir que le monde se dérobe sous ses pieds. L'héroïne est le symbole et le pivot de ce propos. Son visage aux rondeurs encore juvéniles sort du liquide amniotique d'une piscine enfantine plantée dans le jardin de ses parents. Elle expérimente, sort et goûte à l'amour, puis choppe une malédiction comme on contracte une maladie vénérienne, avant de ressortir de l'eau, encore une fois, sous les traits d'une jeune adulte, comme purifiée.
L'ombre aux formes multiples qui la traque peut dès lors apparaître comme l'expression des menaces planant sur l'adolescence et l'âge con que l'on traverse. Son apparence n'est jamais innocente ou arbitraire, entre la vieille angoissante, une droguée qui se pisse dessus, ou encore la mère (bonjour le complexe d'Oedipe...). Les péripéties et avatars que traversent Jay sont l'exact écho de ces menaces, entre nocturnes sorties, partenaires multiples, sorties de route, hôpital, isolement et gestes pas forcément très réfléchis.
It Follows questionne ainsi l'adolescence et sa nature, ses doutes et ses incertitudes. Car c'est cela qui fait le plus peur. Et quand l'un des protagonistes cite L'Idiot de Dostoïevski,
la nature de la menace frappe le spectateur comme une évidence : ce danger est aussi inéluctable et implacable que le temps qui passe, lentement mais inexorablement. Et une seule arme pourra stopper cette ombre angoissante, comme l'exprime la scène finale : vivre. En essayant, en se trompant, en explorant, en aimant.
Behind_the_Mask, planté pour son premier rencard (Quoi, le masque ?)