La peur, la peur dans les films d'épouvante-horreur. Genre cinématographique en proie à créer ce choc émotionnel auprès du spectateur. Difficile donc de rester impartial lorsqu'il faut faire la part des choses entre les qualités inhérentes et intrinsèques d'une œuvre filmique et le ressenti de frayeur subjectif qu'il peut susciter de différentes manières à travers chacun de nous. Les deux se concordant parfois pour dire que l’œuvre est mauvais tandis que parfois, l'un déborde sur l'autre et pouvant donc altérer ou non notre jugement. C'est donc à la fois une affaire d'objectivité et une affaire de sensibilité personnelle.
C'est dans ce sens que le cinéaste propose donc quelque chose se démarquant totalement des récentes productions cinématographiques qui n'arrivent jamais à trouver un équilibre entre les deux. It Follows arrive à concilier les deux facettes, l'un n'empêchant pas l'autre. David Robert Mitchell a su réaliser un film ayant une identité à part entière en maitrisant les codes inhérents au genre horrifique notamment par le biais d'une conceptualisation de son propre cauchemar. De ce fait, la démarche mûrement réfléchie du cinéaste est de savoir comment susciter une peur non pas commune, mais facilement identifiable tout en soignant son approche artistique au niveau sensoriel.
C'est pourquoi, l'histoire du film est basée sur la peur d'être poursuivi par quelque chose ou quelqu’un s'inscrivant dans un contexte réel ou onirique. C'est en soi une idée toute simple sur la forme mais intéressante dans le fond grâce aux thématiques très forte qu'elle peut susciter.
Ex n°1: Une entité pleine de mystère qui l'a rend d'autant plus menaçant puisqu'elle peut revêtir une apparence humaine montrant ainsi que l'être humain est aussi dangereux que n'importe quel être vivant.
Ex n°2: Une entité dont ses manifestations s'adaptent à la psychologie de la victime et dont son enveloppe corporelle font par conséquent écho à diverses aspect craintif et angoissant de la vie d'un adolescent.
Ex n°3: Ce sentiment d'enfermement des jeunes protagonistes interprétés avec justesse par ses jeunes acteurs en raison de l'absence spécifique de l'adulte ou des parents n'existant que par le biais des dialogues ou de l'entité.
Ex n°... Je vous épargne le coup du MST = Malédiction Sexuellement Transmissible redites à mainte reprise. La métaphore horrifique du sida ou de quelconque virus qui, étant un organisme vivant, à besoin d'un être vivant pour survivre.
Et afin de mettre en avant la réflexion et la singularité de ses concepts qui sous-tendent son long-métrage, le cinéaste se doit d'y apporter une mise en scène des plus travaillée où l'on peut apercevoir qu'elle est à la fois imprégnée de plusieurs influence cinématographique comme celle de Gus Van Sant ou David Cronenberg par exemple, mais tout en y apportant une personnalité propre à son oeuvre.
David Robert Mitchell y apporte donc une esthétique très recherché et nous le fait savoir dès la scène d'introduction qui par conséquent, résume à elle seule, l'identité de It Follows. Notre acuité visuelle et auditive sont en éveil dès la première image jusqu’à la dernière image du film. Notamment par le biais d'une atmosphère qui au premier abord est assez mélancolique et pleine de non-dits faisant subitement penser à Virgin Suicides de Sofia Coppola, mais laissant place aussi à une ambiance anxiogène et paranoïaque au fil du visionnage grâce à un environnement musical très rétro, dont les sons électroniques, extradiégétiques et synthétiques composés par Disasterpeace font toutes suite référence à Halloween de John Carpenter (non le remake réalisé par Rob Zombie). Ou même à la composition de Cliff Martinez sur Drive de Nicolas Winding Refn pour être plus tendancieux.
Par ailleurs, le réalisateur a bien conscience que le spectateur est un habitué du genre horrifique et évite donc de faire un film à coup de jump scare successif pour essayer de créer un possible choc émotionnel auprès de celui-ci (on peut penser à Drag me to Hell réalisé par Sam Raimi himself par exemple).
Il opère donc un travail de précision au niveau de la mise en scène en y créant et en y insufflant une certaine tension qu'on peut ressentir à travers l'ambiance que dépeint It Follows. Qu'on soit sensible ou non à cette tension, il n'y a nul doute… que le cinéaste instaure... le doute, nous montrant donc la paranoïa et la terreur qui saisissent ses personnages. Un peu à l’image du récent film : Mister Babadook de Jennifer Kent qui elle aussi, arrive à tirer son épingle du jeu à travers sa réalisation.
De plus, il est impossible de nier que le cinéaste a exploité les séries cauchemardesques de son enfance pour essayer de le retranscrire visuellement à l'écran. C'est dans cette optique et ce postulat de départ assez passionnant que la mise en scène et plus précisément les techniques filmiques qu'il opère est très impressionnant. Ceux en quoi il est inconcevable de reprocher les qualités de réalisation propre à It Follows.
En effet, on peut remarquer l'agencement entre la beauté et l'épouvante à travers les mouvements perpétuels de la caméra et plus précisément des travellings lents et circulairement lancinants. Par ailleurs, force est de constater que l'exercice stylistique est apporté au niveau du cadrage flegmatique où le champ et le contre-champ se succèdent et accentuant donc la suggestion plutôt que de la démonstration. On peut parler notamment d'une scène où elle fait directement référence au long-métrage de Jacques Tourneur : Cat People. Et de ce fait, notre visionnage se focalise dans le cadre et en dehors du cadre qui délimite le film.
It Follows est donc saisissant de maîtrise. Le cinéaste arrive à nous captiver en jouant sur le visible et l'invisible mais aussi par de simple détails qui peut paraître normal en arrière plan pour enfin devenir de plus en plus anormal au fur et à mesure où il(s)/elle(s) s'approchent au premier plan, venant donc ainsi bousculer et focaliser l'attention de l'héroïne (interprété avec justesse par Maika Monroe) à travers sa vie quotidienne d’adolescente.
Ici, le danger ne se cache pas, il ne rode pas et par conséquent, on n’attend pas d'être surpris, mais on attend avec anxiété le fatalisme qu'est la mort qui vient lentement mais sûrement... hanter nos esprits.
It Follows est en tout point un film dégageant quelque chose de vraiment unique et baignant sous les codes cinématographiques propre à l’horreur d’un ancien temps mais tout en s'extirpant ou en se détournant de façon habile pour nous faire découvrir la vision cauchemardesque du cinéaste David Robert Mitchell où la subjectivité et l’objectivité de son œuvre se complète. Un réalisateur talentueux qu’on devra [pour]suivre.