Vice Versa est un film d’animation qui va certainement devenir un souvenir encapsulé et imagé dans une bille sphérique teintée par un mélange émotionnel de couleur bleuâtre et jaunâtre lumineux.
Un souvenir se classant en outre dans notre mémoire à court terme avant d’être aspiré par la canalisation d’une tuyauterie illustrant le chemin amenant au dédale de notre mémoire à long terme et donc à l’entrepôt de tous nos souvenirs où sont conservé en partie, toutes nos découvertes cinématographiques ainsi que les nombreux chefs-d’œuvre d’animation créés par les studios Pixar.
Et même si ces dernières années, on en vient à projeter des anciens souvenirs sphériques et colorimétrique dans lequel Pixar nous a offert des œuvres plus ou moins agréable sans être exceptionnelles avec notamment une suite imparfaite avec Cars 2, puis une création originale avec Rebelle, avant de s’atteler sur un préquel avec Monstres Academy. Ce n’est qu’après deux ans d’absence et donc avec leur quinzième long-métrage que la maison des idées s’emploie à renouer et à retrouver leur créativité originale en cherchant avant tout, l’expérimentation visuelle et narrative. Et plus précisément grâce à une idée émanant de Pete Docter à qui l’on doit notamment les chefs-d’œuvre Monstre & Cie et Là-Haut qui regorgent d’inventivité mais surtout pleine d’émotions marquant inévitablement nos souvenirs. Ce en quoi, Vice Versa traite comme sujet.
Un film d’animation laborieux à mettre en œuvre tant le traitement sous-jacent de la neuropsychologie est très vaste et surtout très complexe. Et le réalisateur Pete Docter le conçoit puisqu’il vient appréhender avec intelligence et avec finesse le mécanisme de la pensée, des souvenirs et des sentiments de l’esprit humain de façon métaphorique pour que le spectateur de toute âge puisse facilement avoir une connexité et être en phase avec l’objet de son œuvre. Et c’est en explorant tout le potentiel que pouvait lui offrir ce concept ingénieux que le cinéaste arrive à apporter un nombre incalculable de créativité et d'inventivité pixarienne à Vice Versa.
On peut le voir, au niveau de la personnification ou même de l'anthropomorphisation allouée aux cinq émotions de "base" voir primaire tout en excluant volontairement les émotions "mixte" voir secondaire. Et par conséquent, un travail méticuleusement soigné est apporté par le cinéaste et par l’équipe d’animation artistique, qui ont su donner une conception visuelle non référencé que représente la joie, la tristesse, le dégout, la peur, et la colère. Leurs apparences tant au niveau de leur forme que de leur couleur sont ainsi étudiés et façonnés pour que leur manifestation interne, engendre de manière cohérente, une réaction externe puissant évoquer les comportements émotionnels de l’individu. À cet égard, cette réaction n’est pas à sens unique car elle s’inscrit plutôt dans une interaction à double sens. L’écriture scénaristique est ingénieuse puisqu’elle apporte une réflexion à savoir comment l'esprit agit sur le corps ou le corps sur l'esprit. Ceci étant aperçu visuellement à travers le monde interne et le monde externe que dépeint Vice Versa. On peut citer notamment la chef opératrice du film, Kim White qui a opérée un travail magnifique et authentique concernant l’éclairage colorimétrique apportée à ces deux univers.
En effet, il est possible de contempler le monde intérieur affichant d’une part, une teinte dont la saturation est bien plus prononcée afin d’animer le royaume de l’Imagination à la fois très fantaisiste et très coloré. Et d’autre part d’avoir des tons plus clair ou plus sombre lorsqu’on observe les endroits et les formes normalement non représentatives que sont les pensées abstraites ou la production des rêves (pour ne citer que ces passages d’une incroyable inventivité).
À l’inverse, dans le monde extérieur, on voit une succession d’images moins saturés afin de retrouver des couleurs et une teinte bien plus naturelle en phase avec l’environnement contextuel et temporel d’une ville insalubre et délabrée dans laquelle doit s’installer la petite Riley. Ceci est peut être un détail parmi tant d’autre, mais elle permet surtout au spectateur de retrouver aisément et immédiatement ses repères lorsqu’on bascule d’un univers vers un autre et vice-versa.
Tout cela étant accompagné par des morceaux de musique composés par Michael Giacchino (très présent en ce moment et qui a déjà signé auparavant, les compositions de plusieurs court et long-métrage des studios Pixar) rythmant et scandant ainsi l’esprit de l’être humain, tout en accompagnant approximativement les 24 idées par seconde propre à ce magnifique film d’animation qui défile sous nos yeux ébahis et qui s’adresse tant au plus petit comme au plus grand.
En somme, comme à la manière de Là-Haut ou de Toy Story 3, ce quinzième long-métrage des studios Pixar arrive à renouer et à retranscrire de manière sublime, toute la poésie et toute la mélancolie qui entoure les petits moments futiles qui transparaissent dans le quotidien de l’être humain. D’autant plus que le cinéaste Pete Docter vient ici dépeindre avec douceur et amertume, l’inexorable passage transitionnel entre l’enfance et les prémices de l’adolescence et donc d’étudier avec parcimonie, la fin de l’innocence d’une enfant qui commence à prendre conscience d'un certain nombre de choses qui l’entoure. Par ailleurs, loin de se focaliser sur une interaction bilatérale entre chaque émotion dans Vice Versa, on remarque visiblement ce point de renversement progressif lorsqu'une émotion vient (et doit) accueillir une autre émotion dans l’esprit de Riley afin de construire sa personnalité dans toute sa complexité. Ceci, trouvant succinctement une résonnance toute particulière auprès de chaque spectateur, de chaque génération passé, présent et future. Un film intelligent, sensible qu’on en gardera un souvenir mémorable tantôt amusant, tantôt émouvant.
Merci infiniment Pixar.