Réaliser un film d'épouvante au scénario bêtement et trivialement "classique", voire horriblement rétrograde (des ados baisent, donc ils doivent mourir), en lui appliquant les codes formels inventés par Gus Van Sant à l'époque de "Gerry" et "Elephant", voici donc l'idée "révolutionnaire" (sic) de Mr. Mitchell : et du coup, son "It Follows" a épaté une grande partie des festivaliers à Deauville, des critiques de cinéma, et du ban et arrière ban de la cinéphilie moderne. On ne peut qu'applaudir à deux mains, même si quelque chose nous souffle à l'oreille que le... Cinéma, c'est quand même un peu plus que ça, une idée un peu iconoclaste brillamment mise en scène, non ? Au début, en fait, avec cette introduction très maîtrisée mais soufflante d'intelligence, on marche à 100 à l'heure dans la combine, on se réjouit à l'avance, et ce d'autant que la première partie du film a bel et bien la beauté un peu crasseuse des meilleures moments des films de Van Sant. Et que cette peinture d'une banlieue américaine vidée de ses adultes - au travail ou simplement indifférents -, ravagée par la pauvreté qui laisse des quartiers entiers à l'abandon, et où, finalement, l'existence n'est plus qu'une répétition de petits gestes fatigués, fonctionne magnifiquement bien. Peu à peu, malheureusement, Mitchell se prend les pieds dans son sujet, dont il épuise très vite la richesse dramatique, et qui le contraint ensuite à des excès de plus en plus ridicules (finalement, ce n'est absolument pas une bonne idée de conférer à la "présence invisible" une vraie substance matérielle !), à des tentatives avortées d'étendre son thème vers des zones plus troubles (la scène un peu inepte entre le fils et sa mère-entité), et finalement à tenter le coup d'un climax stéréotypé avec cette scène maladroite de la piscine, qui finit de décrédibiliser le film. Et c'est d'autant plus dommage qu'il y avait matière à réaliser un vrai chef d’œuvre d'épouvante - en travaillant plus intelligemment le concept de visible / invisible par exemple -, ou au contraire à se contenter de filmer la beauté déjà à l'abandon de ces adolescents perdus sans insister autant sur les scènes de genre. Pour n'avoir pas voulu choisir, Mitchell nous déçoit finalement. [Critique écrite en 2015]