Réalisé en 1993, It's All True revient sur l'aventure sud-américaine d'Orson Welles et le film qui devait en découler, nous proposant une approche documentariste pendant sa première heure, It's All True nous laisse ensuite contempler les images filmées par Welles dans le cadre de ce projet avorté et nous offre donc deux expériences pour le prix d'une.
Partie I : se renseigner
Le début du film nous informe donc des raisons ayant poussé Orson Welles à préparer ce projet puis de celles l'ayant poussé à l'abandonner. Envoyé en Amérique du Sud dans le cadre de la politique de chasse gardée des états-unis visant à limiter les influences européennes (et nazies en l'occurence) chez leurs pays voisins et ayant pour objectif de faire un film en plus de faire de la figuration, Orson Welles fomente comme souvent un projet ambitieux. Si le pouvoir américain qui l'a missionné n'attend à n'en point douter un film d'aventure sans aspérité, revendication ou velléité artistique, Welles va très vite leur rappeler qu'ils ont fait une erreur de casting. Se passionnant pour la Salsa puis pour l'histoire on ne peut plus contestataire des jangadeiros ayant parcouru plus de la moitié de la côte brésilienne sur une jangada (basiquement un radeau) pour demander leurs acquis sociaux, loin de la carte postale animée que lui demandent les studios, Welles prévoit de créer un vibrant récit de ce pays qui le fascine, et ce au plus proche de la population brésilienne, loin des clichés, racontant les vies et les combats des brésiliens (allant même jusqu'à faire jouer leurs propres rôles aux jangadeiros). Raisons politiques et guerres des chefs chez RKO auront évidemment la peau de ce merveilleux projet, et enlèveront au passage le final cut de la Splendeur des Amberson à Welles. C'est la double peine, pour Orson Welles et pour tout bon cinéphile, car dans cette affaire nous nous sommes tous fait subtiliser deux chefs d'oeuvre, la fin de la Splendeur des Amberson étant finalement tout à fait décevante (comparativement au reste du film) et It's All True ne voyant donc jamais le jour sous sa forme imaginée par Welles. Cette première partie laisse forcément un gout amer, l'aventure humaine est tout à fait appréciable : parti faire de la propagande et revenu avec un projet humaniste, Welles a essayé de s'intéresser profondément à la culture brésilienne, une attitude à des années lumières du mode de fonctionnement américain (de l'époque mais aussi actuel, n'hésitons pas à le rappeler) et il est agréable de ce dire qu'Orson Welles en plus d'être un indéniable génie était somme toute un type bien, mais qu'il est douloureux de découvrir la manière dont ce génie non reconnu a été méprisé, sous-exploité et humilié par des visions politiques et mercantiles des plus malsaines. On ne peut alors que s'indigner du sacrifice de ce qui s'annonçait comme deux oeuvres fondatrices du cinéma moderne : l'une charcutée et l'autre dissimulée.
Partie II : s'émerveiller
Une fois l'affaire éclaircie, des rushs miraculeusement retrouvés d'It's All True nous sont alors révélés et là ça fait encore plus mal. Les images dont la beauté n'a pas été (et ne sera jamais) altérée par le passage du temps touchent au sublime. Nous donnant l'opportunité de voir le Brésil au travers les yeux d'un esthète dont les visions changèrent le cinéma, It's All True offre une expérience unique.
Une fois ces images visionnées il est encore plus effarant de se dire qu'un homme qui a voulu faire s'élever la culture d'une telle manière y ait trouvé sa chute dans le soi-disant pays de la liberté. RIP ORSON <3