Dernier grand succès public pour Belmondo, un an après Le Solitaire (revers commercial mais néanmoins film souvent cité). En plus d'en être producteur, Belmondo tient le rôle principal, avec un personnage décalé par rapport aux univers où il s'inscrit à l'apogée de sa carrière (le polar), mais assez conforme dans le fond à son image de doux rêveur à la façade impitoyable. Milliardaire amoureux du cirque, Sam Lion le self made man se fait passer pour mort afin de vivre heureux et tranquille, loin d'un univers où il a fait son temps. Bébel obtiendra le César du meilleur acteur pour ça, mais snobe la cérémonie. Dans la décennie qui suit, on le retrouvera au théâtre.
Lelouch ne cherche pas à être réaliste. Dans son film, on s'enfuie ; on rit ou se délecte de ce qui devrait faire pleurer ou embarrasser (le divorce), comme on aspire à l'évasion tout en restant conformiste et en guettant les fruits. La psychologie lourde est au rendez-vous, avec une dimension bien glauque et pourtant totalement évacuée (la perspective 'oedipienne') ; de la même façon, les passe-droits dont profitent les enfants du businessman désintéressent absolument Lelouch. Une sorte de poésie se déploie et le résultat a quelque chose de désarmant, même quand il suscite la circonspection ou le dédain.
Lelouch est un doux exalté allant au bout de ses inspirations – et aussi au bout de ses niaiseries, mais son application et sa cohérence forcent le respect. Les tranches de philosophie de vie s'accumulent et foncent vers l'infantile, justement, avec emphase et conscience. Le développement personnel vu par Bébel/Lelouch implique des scènes 'cultes' outrepassant le nanardesque euphorique, tel le « bonjour » appris à Anconina par le vieux loup. Opportuniste un peu crétin mis dans la peau d'un arriviste gentil, ce personnage est théoriquement attendrissant et pathétique pour le meilleur. Ses maladresses sont aussi bigger-than-life que son caractère consternant.
Le ridicule de ce type porte le délire du film à son pinacle ; à ce niveau on ne saurait être irrité, on est lassé mais complaisant par défaut ou parce qu'après tout, ça fonctionne. La vision exprimée tout le long par Lelouch, étalée plus subtilement dans la première moitié chantée, est trop énorme et entière pour gêner le divertissement. De la même façon, le montage est si poussif, mais parfaitement habile, que ses manières amusent très vite. Quand à Anconina, il est compliqué de déterminer s'il joue mal, si son rôle ordonne une telle bizarrerie, ou si un amalgame de ces probabilités permet d'inventer une nouvelle façon de jouer. Il obtiendra le Grand Prix d'interprétation au festival de Chicago.
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