L comme Label et Lelouch !
Le 30e film du cinéaste français à la fois le plus idolâtré et le plus dénigré porte évidemment sa marque cinématographique. Evidemment... et splendidement aux yeux de l'auteur de ces lignes, tenant à faire un aveu assez piteux. A savoir, avant celui-ci, ne pas avoir vu un Lelouch depuis longtemps ; et même, n'avoir vu aucune injustice quand le style lelouchien subissait une critique... mordante !
Et là, paf ! (coucou à De Funès !) : un vrai plaisir de spectateur devant cet "Itinéraire d'un enfant gâté", personnalisé par un Jean-Paul Belmondo en rupture de... Bébel !
Changement logique puisque, assumant son âge et peut-être aussi ses états d'âme, il se glisse dans la peau d'un quinqua qui, lui, est en rupture d'identité. Qui est Sam Lion ? Où en est-il de sa vie a priori hors du commun ? Avant de le savoir, on reste perplexe durant toute la 1re heure de projection. Fidèle à lui-même, Lelouch enchaîne des séquences mélangeant les repères dans le temps, tout en confirmant sa virtuosité de caméra devenue légendaire. C'est le travail de montage, remarquable, qui permet de clarifier imperceptiblement la situation pour la 2e heure.
Seul sur son bateau de P-D.G au milieu de l'océan, Sam se remémore les étapes décisives de son demi-siècle de vie. Certaines sont traumatisantes : abandon à l'âge de 6 mois ; terrible chute qui a brisé sa carrière d'étoile du cirque, sa grande passion ; accident de trapèze qui a coûté la vie à sa première femme. Caméra lacrymale. D'autres sont réconfortantes : la réussite de sa société ; l'admiration inconditionnelle d'une poignée d'amis et de ses deux enfants prêts à prendre sa relève. Caméra triomphale.
Il rompt avec tout cela en faisant croire à sa disparition en mer. Nouveau nom, nouvelle nationalité, escales de baroudeur dans des endroits reculés : le voilà enfin bien décidé à "Vivre pour vivre" ! Mais reconnu par un jeune ex-employé sur son site fétiche, les subjuguantes Chutes Victoria en Afrique, il va renouer provisoirement avec son encombrant passé...
Le maniérisme du début et quelques invraisemblances sont gommés par la force du récit, le rythme et la qualité visuelle synonyme de dépaysement grandiose.
Les personnages campés par Richard Anconina (drôles face-à-faces), Marie-Sophie L., Daniel Gélin, Lio, Pierre Vernier en font des interprètes "gâtés" par leur réalisateur copain.
Mais c'est bien sûr celui de Sam Lion qui domine, avec son humanité désenchantée que Jean-Paul Belmondo fait palpiter de façon enchanteresse.
"Itinéraire d'un enfant gâté" sert bien les carrières d'un cinéaste et d'un acteur d'exception croisant à nouveau leurs chemins !