Cette fameuse main à la recherche de son corps fait partie d'une poignée d'éléments servant à enrober un programme éculé. Rendre une séance attractive en se concentrant sur ce seul morceau, lui conférer des émotions, des buts voire une conscience, était un lourd défi. Et bien que le film se vende et se dope sur ce compte, la place de cette main dans la ville est marginale (spoiler : elle fournit le meilleur de très loin devant les flash-back tout en mélancolie douce, chagrins, sépia ou noir et blanc). Au départ on baigne dans un mélange équilibré, ensuite la trame classique et romantique prend toute la place – autour de l'élan piteux mais amoureux de ce jeune type pas sevré mais sentimental qui se donne du mal.
Par rapport au roman Happy Hand (signé du responsable d'Amélie Poulain), le réalisateur Jérémy Clapin aurait introduit l'essentiel des scènes pertinentes ou simplement étoffées. Les enregistrements et les principaux éléments de la conclusion [sur le toit] seraient donc entièrement dûs à l'adaptation. Or avec eux et plus encore la scène-clé de l'interphone, on a le principal de ce qui tient la séance debout ; donc soit le matériau de base était vaseux ou tout en sentiments et sensations intranscriptibles, soit Clapin et son équipe ont simplement composé avec un nom et plaqué dessus leurs inspirations.
Dans tous les cas, probablement dans l'idée de le dépasser, le scénario a été délaissé. Il s'avère simple voire carrément simplet au niveau des profils et motivations. Le film ne peint pas le monde en rose bonbon mais cumuler les trucs crades et vulgaires ne fait que lui donner un cachet réaliste, une capacité à faire écho, sans élever son niveau. Le fond demeure d'une niaiserie imparable, les sermons sur la destinée à dompter n'y changent rien – tant mieux probablement car hormis les envolées stériles du développement personnel misant sur la pensée magique, il y avait zéro débouché. Enfin les effets sont plus appuyés que convaincants, la pression émotionnelle est excessive (il y avait un empressement comparable dans Skhizein et Une histoire vertébrale) et la musique utilisée comme si l'auditoire se cocoonait dans sa safe space érigée à la gloire de Radiohead.
Évidemment un tel film vaut davantage le déplacement que Countdown, des talents sérieux sont à l’œuvre. Mais hormis ce titre-là je ne vois au mieux que des équivalents ou des déceptions (ou des saletés intéressantes comme Alice et le maire) dans les sorties de ces derniers mois (L'invasion des ours assurait le pittoresque). Enfin ce livreur finit par gagner la sympathie grâce à sa bizarre obstination et ceux qui auraient aimé Les triplettes de Belleville s'il n'était si 'franchouille' à leurs yeux devraient trouver une bonne alternative tout aussi nostalgique. Ceux qui viendront à J'ai perdu mon corps attirés par le label du producteur Xilam auront plutôt la confirmation qu'il a livré son meilleur il y a vingt ans avec Oggy et Les zinzins, les rares films présentés depuis n'étant jamais renversants dans leur domaine (même s'il y a eu de jolies choses comme Kaena).
https://zogarok.wordpress.com/2019/11/15/jai-perdu-mon-corps/