"Faudrait pouvoir se tuer idéalement dans nos têtes puis renaître après"

"C'est ça qui fait qu'ils deviennent fous. La tension est inévitable. Ils ne sont jamais dans le quotidien de la passion. Ce n'est pas vivable, jamais, un amour pareil... il n'y a que la mort qui puisse l'assouvir... la mort s'opère dans la passion. Je ne comprend pas comment ça n'arrive pas plus souvent. Ils ne peuvent pas faire l'un sans l'autre...ils peuvent crever l'un sans l'autre... mais ils ne seront jamais l'un sans l'autre tout à fait. Ils arrivent à s'aimer dans cette impossibilité d'aimer" Marguerite DURAS

Il y a des cris qu'on pousse à s'en exploser le crâne, parce qu'on voudrait haïr, parce qu'on a trop peur d'aimer.
Le premier film de Xavier Dolan, sorte de grande claque géante, est un film bouillonnant, un film de jeunesse, un film qui dit sans concessions le besoin de sortir d'un lieu pour aller vers un autre. L'étouffement, l'impossibilité tout à la fois d'aimer et de ne pas aimer:
Hubert est un être entier, tout pris dans l'amour ou dans le désamour et tout en voulant rejeter sa mère, il lui consacre la plupart de son temps, en se questionnant. Partout et nulle part en même temps, il cherche d'autres figures maternelles: de la mère de son copain à sa prof, touchante et pleine de grâce, il ne trouve pas.

C'est un film maîtrisé, singulier, cruel, les fulgurances ne cessent d'apparaître, on se hurle dessus parce que parler est devenu impossible. Le montage est superbe, les ellipses bien amenées. Et même si le film pourra paraître aux yeux de beaucoup tout autant prétentieux, qu'hystérique, à moi, à l'image de cette musique qui revient sans cesse, il m'a paru fort, intense tout autant que certaines de ses scènes qui restent gravées.

Dolan, nous emmène dans un monde où l'on s'écrit des poèmes, où l'on s'embrasse comme pour mieux se libérer, où l'on se court après sans pouvoir s'attraper, et où, fugaces, fragiles, des images apparaissent, comme témoins d'une conscience qui s'écrit dans la rage pour mieux faire ressentir des émotions jamais gratuites qui transcendent la caméra à l'aide d'une belle mise en scène, soignée. Bref, on sort des schémas habituels "elle s'est mariée puis elle a eu un enfant parce que c'est ce que tout le monde attendait d'elle. C'est ce que tout le monde attend encore des femmes d'ailleurs. Tout le monde ou presque". Et c'est dans ce presque que se trouve ce film, sans savoir ce qu'est sa vie, on peut quand même décider de ce qu'elle ne sera pas, se saisir d'une caméra et devenir artiste ...
eloch

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