Fernando Arrabal est un réalisateur, poète, auteur et dramaturge espagnol dont le père condamné à mort a totalement disparu après s'être évadé d'un hôpital psychiatrique alors qu'il se faisait passé pour fou afin d'échapper à la prison sous le régime de Franco. Arrivé en France Fernando Arrabal Jr va côtoyer le milieu des surréalistes, de Jodorawski et de Roland Topor. Fernando Arrabal tournera plusieurs films en France avec toujours en filigrane les blessures et les traumatisme de l'Espagne franquiste, de l'absence du père et de l'exil. Si cet artiste des plus singulier se réclame de Lewis Caroll, Alfred Jarry et de Franz Kafka, Fernando Arrabal est aussi et surtout un rejeton de l'univers surréaliste et poétique de Luis Bunuel.
J'irai Comme un Cheval Fou raconte l'histoire d'un jeune homme de bonne famille recherché par la police qui le soupçonne d'avoir assassiné sa propre mère. Le jeune homme trouve refuge dans le désert ou il se lie d'amitié avec un étrange main semblant posséder des pouvoirs magiques et vivant en communion avec la nature. Afin de lui faire découvrir la vie citadine et le modernisme le jeune homme entraîne son nouvel ami vers la civilisation.
J'irai Comme un Cheval Fou est un film qui porte bien son titre puisque il fonce dans une logique imprévisible d'étalon sauvage pris dans une course folle en multipliant des images et les digressions surréalistes, évocatrices, et provocatrices. Le film de Fernando Arrabal est presque à deux visages avec à la fois son récit structuré par les grandes lignes de son scénario et de nombreuses visions et images complètement folle souvent annoncées par le bruit d'un cheval au galop et qui viennent parasiter la logique linéaire de l'intrigue. Ces visions représentent le plus souvent les pensées, les fantasmes, les traumatismes, les souvenirs, et les errances métaphysiques et intellectuelles des deux héros. Ces images d'une puissance folle sont tour à tour symboliques, grotesques, poétiques, violentes, provocatrices, blasphématoires, surréaliste et philosophiques. Des images qui ne seront pas faites pour tous les regards tant Fernando Arrabal nous convit de force dans un monde dans lequel vont se télescoper sexe, torture, scatologie, cannibalisme, imagerie pornographique et horreurs tant physiques que psychologiques. Des images qui détournant l'iconographie religieuses, qui critiquent la société de consommation, qui dénoncent le spectre des violences des régimes totalitaires ou qui alertent de façon métaphoriques de notre rapport destructeur à la nature; des visions follement audacieuses et décalées qui nourrissent J'irai Comme un Cheval Fou d'images aussi percutantes que difficilement oubliables. Je ne ferai pas ici l'inventaire de toute la violence et de tous les symboles que Fernando Arrabal assène aux spectateurs comme autant de coups frappant les esprits et la rétine, mais incontestablement son film et d'une richesse thématique et visuelle assez peu commune.
Même si ces images outrancières et provocatrices le réserve à un public averti et que ses délires le rende parfois un peu abscons le film reste toutefois relativement facile à suivre de part son intrigue principale qui lui servira de colonne vertébrale. On pourra également se réjouir avec de nombreuses touches d'humour parfois absurdes ou très noires notamment à travers le regard candide et critique de ce mystérieux nain âgé de plusieurs milliers d'années se baladant avec sa chèvre et qui découvre avec effarement la modernité absurde du monde. Des sourires qui feront office de respirations salutaires au sein d'un film qui convoque avec un demi siècle d'avance désastre écologique, dérives autoritaires et société de consommation massive avec notamment cette image prophétique de centaines de personnes avec des masques à gaz poussant des chariots de supermarchés remplis de télévisions.
J'irai Comme un Cheval Fou est un film fou, un film de provocateur , mais pas de ceux qui agitent la répulsion de l'effet choc par pure gratuité. Car Fernando Arrabal provoque toujours la réflexion derrière la provocation et ses images ne ferment pas les chemins de l'esprit mais ouvrent les autoroutes inconscientes de la folie.