L'enfance nue
Jack va vite. Il marche vite, a des allures toujours hâtives, toujours dans l’urgence. Il bondit, il enjambe, il court, sans cesse, et ses joues sont rouges et son souffle est rapide et ses cheveux...
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le 22 avr. 2015
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Remarqué à la dernière Berlinale, « Jack » se concentre sur une tranche de vie du jeune garçon du même nom de dix ans au quotidien sortant de l’ordinaire, car livré à lui-même. Un film touchant et assez subtil, qui dresse un portrait d’un enfant singulier assez juste.
Jack doit s’occuper de son cadet et est à la fois son frère, son père et sa mère. On ne sait pas ce qu’il est advenu du papa, mais la maman est bien là par contre. Une mère aimante, mais irresponsable, incapable de s’occuper de ses enfants, qui semble avoir confié la tutelle du plus jeune à l’ainé de ses fils. Rock’n’roll, peu conventionnelle, elle ne sait pas trop comment gérer sa vie sociale et l’éducation de ses enfants et finit par les délaisser. Suite à un incident dû à la fatigue de Jack, ce dernier est placé en foyer, alors que son petit frère est gardé par une amie de la mère. Après une algarade avec un enfant du foyer, il s’enfuie du centre et se retrouve seul dans Berlin. Impossible se retourner chez lui car sa mère ne s’y trouve pas et n’a pas laissé les clefs à l’endroit habituel.
Il ne s’agit pas là d’un énième film classique sur l’enfance. Jack, enfant contraint à avoir une personnalité hors du commun, évolue dans un film à l’environnement réaliste qui réussie à éviter les clichés inhérents au genre. Le film évite quant à lui l’hyper-réalisme de son personnage plus bienveillant qu’aucun enfant ne pourrait l’être, et c’est ce qui le rend si attachant. Dans sa peau, le jeune inexpérimenté Ivo Pietzcker, héros malgré lui, est impressionnant de justesse. Peu dessiné, le personnage existe grâce aux individus qui gravitent autour de lui. Notamment les adultes qui ne le considèrent malheureusement plus comme un enfant.
En perpétuel mouvement, Jack bondit, Jack court. Il s’active et ne se repose qu’après la satisfaction du travail bien fait. La mise en scène fait le choix de s’accorder avec lui, se retrouver à ses côtés, ne le lâchant pas d’une semelle afin de nous faire éprouver son énergie et de nous rendre témoin de son combat. On parcourt avec lui les distances les plus éprouvantes à un rythme effréné, à travers de longs plan-séquences, dans une économie de dialogues précieuse. Dénué de toute intrigue secondaire, le jeune comédien assume le film sur ses frêles épaules.
Film intense, mais qui souffre vers la fin de son dispositif donnant la sensation de s’essouffler. Pour pleinement apprécier le film, il faut fermer les yeux sur certains pans du scénario usant à plusieurs reprises de facilités pour rendre la tâche de Jack plus ardue et faire repartir l’action. La police ne semblant jamais chercher au bon endroit, au bon moment. Un sentiment de soulagement nous parcourt lorsque le marathon de Jack se termine. Par ailleurs, on se sentira peut-être frustré par le choix du procédé, nous faisant passer à côté du personnage fascinant de la mère. Mais c’est justement la structure et l’unilatéralité du point de vue qui donne en partie le charme si particulier au film.
Parfois noir, le film évite habilement l’écueil du mélodrame, choisissant de ne pas porter de jugement moral sur ses personnages, comme la mère par exemple. Le film sans jamais avoir l’air d’y toucher, soulève des questions intéressantes sans jamais y apporter de réponses, finissant sur une amertume dans le propos vraiment pertinente, offrant un épilogue rude et vibrant. Un récit simple accompagné d’une forme efficace, pour nous raconter avec émotion l’amour inconditionnel d’un garçon pour sa famille. Dressant le portrait d’un enfant contraint de grandir trop vite, à la fois mature et encore innocent, « Jack » est une expérience émotionnelle généreuse.
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Créée
le 5 avr. 2015
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