L'enfance nue
Jack va vite. Il marche vite, a des allures toujours hâtives, toujours dans l’urgence. Il bondit, il enjambe, il court, sans cesse, et ses joues sont rouges et son souffle est rapide et ses cheveux...
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le 22 avr. 2015
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Jack va vite. Il marche vite, a des allures toujours hâtives, toujours dans l’urgence. Il bondit, il enjambe, il court, sans cesse, et ses joues sont rouges et son souffle est rapide et ses cheveux sur son front sont collés par un peu de sueur. Jack prépare le petit déjeuner pour son demi-frère Manuel, Jack prépare le bain, Jack fait la lessive, Jack s’acquitte des tâches que sa jeune mère laisse de côté, négligente, naïve, aimante, et disparaissant parfois plusieurs jours sans prévenir, comme ça. Chronique ordinaire d’une enfance mise de côté, le film d’Edward Berger plonge deux gosses dans un Berlin anonyme et méconnaissable, "enfermés dehors" à la recherche d’une maman qui paraît constamment en fuite, dans les bras d’amants, souvent passionnée.
Sans pathos (mais pourquoi alors ces quelques notes de piano et de violon qui viennent, de temps à autre, troubler la belle retenue du film ?), sans complaisance ni jugement moral, Berger et sa scénariste Nele Muelle-Stöfen parlent de délaissement, de pugnacité et d’amour maternel malmené, cet amour-là donnant la force à Jack d’avancer, de s’enhardir et de protéger Manuel. La réalisation, nerveuse, accompagne Jack à tout instant, sans le lâcher, à l’affût de son regard buté, visage fermé et corps propulsé en avant. Ce côté un peu trop déterministe dans son caractère et ses mouvements finit pourtant par desservir le personnage, Jack n’étant plus qu’un bloc de vigueur et de volonté sans aspérités, une sorte de machine infatigable qui paraît dénuée d’émotions, toute claquemurée dans son unique tâche.
On est parfois touché par un geste (Jake écrivant des messages pour sa mère, à genoux par terre), parfois troublé par une scène (des mots échangés, avec un autre garçon du foyer, sur ces pères qu’ils n’ont jamais connu), mais étrangement détaché la plupart du temps, extérieur à ce drame répétitif et d’une vague empathie pour ces deux enfants livrés à eux-mêmes dans une société où adultes et autorité paraissent absents, étrangement démissionnaires, indifférents à leur sort, voire même cruels. Sur un sujet analogue, Hirokazu Kore-Eda avait réalisé un film magnifique (Nobody knows) qui savait nous bouleverser en douceur. Ici, et malgré l’impressionnante énergie d’Ivo Pietzcker, le film n’enregistre, mécaniquement, que les errements en boucle d’un gamin, devenu un homme trop tôt.
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le 22 avr. 2015
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