Une satyre incroyable dotée d'un propos si cohérent
Avec Jacky au royaume des filles, Riad Sattouf s'aventure encore plus loin. Trés enthousiaste de reprendre l'esprit potache des Beaux gosses, le réalisateur rajoute la satyre et l'anticipation à son arc. En effet, réinventer une domination du sexe faible à l'envers ( avec des hommes en burqua et mentalement castrés) tout en dépliant un scénario habile et dingue (un Jacky se voulant "Cendrillon" pour conquérir une femme prince charmant/dictateur) est une performance. Le résultat, c'est le rire franc puis aigre du spectateur car les personnages gauches et grotesques sont touchés par une faiblesse maladive qui les pousse aux pires réflexions, voire aux pires forfaits ( cf la scène de la Chérife et celle où Jacky se fait confisquer son entrée de bal du Grand Couillon). De plus, le côté futuriste amène une mise en scène incroyable ( vous êtes presque dans une bande dessinée, je vous assure) où Jacky et les autres subissent les pires aliénations (une bouillie uniforme qu'ils absorbent quotidiennement, une télé-réalité imbuvable et abjecte et les symboles arbitraires du pouvoir que sont les poneys). Depuis Peut-être de Klapisch, j'ai retrouvé une cohérence naturelle entre l'image et le texte, et aussi le fait de tomber dans l'inattendu d'un plan à un autre.
Riad Sattouf a aussi bénéficié d'un sacré casting pour son film avec Charlotte Gainsbourg, Didier Bourdon, Valérie Bonneton et Anémone ( méconnaissable en dictateur de Bubunne).J'ai senti des acteurs vraiment enjoués de lancer leurs répliques démentes ou de présenter des scènes amorales et décalées. Vincent Lacoste, sous ses airs de faux ingénu, participe également à distiller le vitriol de ce royaume totalitaire et flingué.
En ce qui concerne le propos de Jacky au royaume des filles, Riad Sattouf a parié sur l'absurdité du sexisme via l'outrancier. A écouter les commentaires des gens qui m'entouraient dans la salle, j'ai remarqué que cela ne plaisait pas à des hommes ou à des femmes qui prennent trop au sérieux leur genre. Cela ne m'a pas étonné du tout et prouve que Riad Sattouf s'est attaqué au tabou du cloisonnement hommes/femmes avec brio. C'est toujours le sujet que les deux sexes réfutent tout en devant se rendre aux évidences qu'il impose.
Au final, je pense que le langage inventé et fleuri du film va marquer ( de l"'argenterie", en passant par la "blasphèmerie", le "bubus" et la "gouinerie") et que la fin inattendue du film apportera un sacré flots de commentaires découlant de l'actualité récente (mariage pour tous, amour homosexuel notamment). Je conseillerai donc ce film à un public averti, qui aime la double lecture et les messages cachés. Tout en continuant à rire dans le chaos! ;-)