Pas aidé par une production catastrophique qui a vu sa réalisatrice prendre la clé des champs le premier jour de tournage et plusieurs remaniement dans le casting suite à de nombreux départs, le film avait de quoi laissé craindre le pire lorsqu'il fut miraculeusement sauvé avec le rattachement d'un nouveau réalisateur ainsi que d'une réactualisation du script. Exit Lynne Ramsay et bonjour Gavin O'Connor donc, qui reprend les rênes du projet avec la lourde tâche d'offrir un western féministe, déclinaison du genre peut répandu et jusqu'ici traité avec vulgarité. Mené depuis son commencement par Natalie Portman et Joel Edgerton (qui a travaillé aussi sur le scénario), le film à clairement pour ambition de redéfinir le genre pour parler de la condition féminine dans la période du Far West, ambition qu'il ne sera pas véritablement en mesure de faire aboutir.
L'ambition première du scénario est noble, mais c'est son exécution qui sera problématique. Voulant jouer sur un registre plus intimiste pour éviter l'épopée, il posera son schéma sur les classiques américains lorgnant vers le cinéma de Sam Peckinpah pour traiter son sujet, relativement original pour le genre, de manière attendue et classique. Alors qu'on se souvient encore de l'excellent The Homesman de Tommy Lee Jones, qui traitait du même sujet mais de manière beaucoup plus couillue et méta qui proposait une véritable réflexion, ici on reste dans un schéma traditionnel qui ne dépasse pas le divertissement. Le film en devient très cloisonné dans son déroulé et donc très prévisible même si il tente un retournement finale maladroit à la symbolique peu subtile et qui témoigne d'une véritable absence de prise de risque. De plus l'ensemble devient assez insultant pour la figure féminine, ici présenté comme une propriété mais qui ne s'émancipe jamais, étant toujours réduite à son rapport aux hommes, elle prend les armes mais ne les utilises finalement pas et est résignée à être l'épouse et la mère de famille. D'ailleurs le cœur du film se joue sur un triangle amoureux et plus précisément la romance qui unit Jane à son ancien amant. L'histoire du personnage étant contée à travers des flashbacks mièvres et lourds qui montre une trame simpliste aux enjeux assez minimes. Alors que c'est un film qui veut défendre une cause si grande, il est dommage de le voir la réduire à si peu et que celle-ci a au final pas d'incidence.
Le casting fait plutôt bien le job, tout les acteurs sont globalement bons même si le cabotinage de Ewan McGregor est légèrement over the top, l'acteur s'amuse suffisamment dans son interprétation caricatural qu'il nous prend au jeu. Noah Emmerich reste passif et n'a donc que très peu à jouer mais on retiendra Joel Edgerton qui offre une très bonne prestation. L'acteur ne semble jamais aussi bon que lorsqu'il travaille avec Gavin O'Connor et ici il démontre toute l'étendue de son charisme et l'intensité de son jeu. Mais le film est véritablement illuminé par la performance de Natalie Portman, qui sans être dans un de ses meilleurs rôles, fait toujours autant preuve d'une intensité dramatique admirable et de talent.
La réalisation pêche un peu en raison de son montage, l'alternance avec les flashbacks est plutôt mal gérée et atténue le rythme de l'ensemble tandis que la photographie manque de fulgurances et que les musiques sont au mieux peu mémorable ou au pire, sorties tout droit d'une mauvaise comédie romantique. Cependant la mise en scène de Gavin O'Connor se montre plutôt aboutie, notamment dans sa façon de montrer la violence et âpreté de cette univers sans détour. Il compose quelques explosions de violences maîtrisées et offre un cachet visuel assez plaisant même si il perd un peu pied lors de l'assaut final avec une action qui manque de lisibilité. Après il faut reconnaître que l'ensemble se veut plus télévisuelle que véritablement cinématographique, avec des plans beaucoup plus resserré sur les personnages que sur les grands espaces, ce qui ajoute de la sobriété mais qui perd en charme et en réussite formelle.
En conclusion Jane Got a Gun est un film bancal et pas vraiment satisfaisant. Même si le divertissement fonctionne, on reste face à une oeuvre insignifiante qui ne rend pas hommage à la cause et la condition qu'il veut représenté. Au final les seuls apports qu'il fait aux westerns pour en faire une approche plus féministe, c'est l'ajout d'une romance par le biais d'un triangle amoureux, chose assez rare dans le genre. Mais ça n'en fait pas de l'originalité, bien au contraire car l'on se retrouve face à un film prévisible et terriblement classique. On est quand même loin d'être face à quelque chose de mauvais, en raison d'une réalisation qui malgré des problèmes de production arrive à s'en sortir avec honneur ainsi qu'un casting attachant qui fait du très bon travail, mais on est clairement en face d'un film maladroit et inconséquent qui n'a que pour but d'être oublié.