Critique de Janet Planet par renardquif
-Un film d'auteur de Annie Baker. Qui aurait pu être plus beau s'il avait été plus modeste; en tous cas, c'est truffé de cinéma.
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le 15 oct. 2024
Lacy ne veut plus rester à son camp d'été, elle ne s'y sent pas bien et pense que personne ne l'apprécie. Sa mère, Janet, vient la chercher et la ramène à leur domicile. Mais elles ne sont pas seules, Janet a un partenaire, Wayne, figure bougonne et silencieuse. Wayne s'exprime peu, Lacy le questionne, et de cette confrontation entre un mutisme inexpliqué et une saine curiosité s'élève un malaise.
Très vite les spectateurices sont confronté·es à une question tortueuse : comment s'assurer, en tant que parent, que nos propres relations sentimentales n'impactent pas négativement la vie de notre enfant, peut-on faire confiance aux adultes que l'on fréquente pour ne pas faire de mal à notre enfant, peut-on se faire confiance ?
À un moment, Janet demande même à sa fille ce qu'elle doit faire concernant sa relation sentimentale avec Wayne. Janet ressent un malaise provenant du fait qu'elle se sent observée par sa fille, et en même temps, elle s'appuie sur l'avis de Lacy, avouant à demi-mot son absence de recul sur ses propres comportements.
Et c'est je crois la force de ce film, la réalisatrice filme de nombreuses scènes à hauteur d'enfant, nous sommes invité·es dans la perspective du monde par Lacy, par son obsession concernant sa mère, ses inquiétudes concernant le rapport de sa mère aux autres. L'une des scènes les plus fortes du film est une conversation entre la mère et la fille où c'est l'enfant qui guide l'adulte dans ses pensées.
En plus d'une reproduction pleine de charme et de nostalgie d'un été d'enfance dans les années 1990 (les paysages sont majestueux, les arbres environnent l'histoire d'un monde végétal merveilleux, les moments de solitude de Lacy sont l'occasion d'observer avec elle un décor où une attention a été portée à chaque détail allant du mobilier aux vêtements en passant par l'environnement sonore), la réalisatrice aborde subrepticement des questions essentielles, attenant principalement aux relations amicales et amoureuses : le film peut être considéré comme la construction d'une pensée féministe par une enfant, à la simple suite d'observations des relations affectives de sa mère et des conséquences souvent malheureuses de celles-ci. C'est l'enfant qui apprend à l'adulte, Lacy tente de discuter avec sa mère, comme si elle voulait l'extirper des sables mouvants dans lesquels, enfoncée, celle-ci se sait suffocante. La mère est captive du regard masculin, elle semble construire sa vie autour de l'appréciation qu'ont les hommes pour elle. On l'observe prisonnière de cette dépendance lorsque, dans un certain renoncement fataliste, elle tente de s'approprier les choses en se posant des défis (celui par exemple d'être capable de charmer n'importe quel homme si elle y met les efforts nécessaires) mais sent bien que, dans le fond, elle s'épuise à vivre sa vie à travers ce besoin de validation. Et c'est Lacy qui, avec une grande sagesse, tente de faire voir à sa mère ce qu'elle a elle-même observé, elle tente de lui montrer la contingence de ses relations pour lesquelles elle aménage tant de place dans sa vie.
Le film se termine par une scène finale accentuant la complexité des rapports sentimentaux, une scène magistrale.
Toustes les acteurices sont superbes, Julianne Nicholson est un exemple de comédie en toute délicatesse, Zoe Ziegler du haut de ses onze ans est impressionnante, Sophie Okonedo et Elias Koteas forment un duo effrayant tant les rapports manipulée-manipulant sont palpables.
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