Quelques gammes de fitness dans un monde de brutes.

Lorsqu’une franchise dépasse la trilogie de rigueur, les attendus ont tendance à s'édulcorer, principalement en ce qui concerne la trame scénaristique : on vend davantage le retour d’un héros et son environnement visuel qu’une avancée novatrice dans sa caractérisation ou son histoire. L’avantage avec Jason Bourne, particulièrement avec le retour de Greengrass aux affaires, c’est que ces éléments bénéficiaient d’une véritable identité dans la trilogie originelle.


Il faut donc un tolérance certaine face aux lacunes de ce quatrième opus pour en apprécier les traits les plus saillants. Le retour de l’agent qui n’est plus du tout amnésique, pas plus que son spectateur, n’échappe pas à la revente d’une soupe au goût plus que familier : complots, course-poursuite, camouflages dans la foule, esthétique à la 24H et questions éculées sur la surveillance et les libertés individuelles sous la caution post-Snowden.


Greengrass lui-même se fait un point d’honneur à reprendre les choses où il les avait laissées, et la lassitude peut émerger de temps à autre. Il fut un temps où nous servir une caméra à l’épaule ou des zooms brusques donnait l’illusion documentaire ; aujourd’hui, ce n’est qu’une signature stylistique un peu poseuse, à la limite de la lisibilité dans certains combats en corps à corps ou carambolages numériques à la lisière du grotesque. De la même manière, nous imposer au moins cinq fois le même flashback en le rendant progressivement moins flou semble déjà à peine pardonnable pour un premier film…


Autant de petits fils blancs pour faire tenir cette reprise et qui l’entaillent à de nombreux endroits.
Il n’empêche que dans le flot des séquelles blockbusteiennes, où le super-héros numérique écrase de ses pixels toute concurrence, retrouver Bourne occasionne une respiration presque salvatrice. Cette esthétique brute, ce sens du rythme, cette façon d’évacuer tout pathos en se concentrant sur l’essentiel, à savoir un jeu international de chat et de souris, revitalisent un peu le cinéma d’action.
Deux éléments essentiels sauvent le film. D’abord, le rôle accordé aux femmes, qui confirme une tendance tout à fait réjouissante, de Fury Road au Réveil de la Force : de la blonde hackeuse à la brune entremetteuse et ambitieuse (la décidément minérale et fascinante Alicia Vikander, après Ex Machina) les femmes tirent les ficelles. Bourne, qui parle peu et se contente d’agir, devient un corps musclé en état de légitime survie : peu de stratégie, mais des gestes décisifs, et une obéissance à des injonctions qui le dépassent pour se rendre aux quatre coins de la planète. Cassel, son evil twin, pousse encore plus loin cette idée, en asset corvéable à merci, dénué de toute conscience.


Ensuite, la dynamique : s’il se déroule sur un arc clairement balisé, le récit procède surtout par sauts vers des séquences maîtresses, dont certaines sont de grandes réussites. Dans le cahier des charges Bourne, il s’agit d’agir en plein jour, mais en quasi invisibilité : la variation proposée ici, à savoir mêler les protagonistes aux émeutes à Athènes, fonctionne à merveille. La séquence finale est certes assez ratée, voulant nous imposer une surenchère sur le déjà excessif carambolage berlinois du deuxième opus : mais la façon de multiplier les digressions et les convergences aura atteint son apogée lors de l’épisode londonien. Trahisons en cascades, doublages dans tous les camps renforcent la cavale et permettent un jeu géographique et meurtrier tout à fait émoustillant.


Le dernier échange avec Bourne le montre à la fois malin, désabusé et tout sauf dupe des intrigues qui se jouent autour de lui : le monde dans lequel on l’a programmé restera toujours le même : le spectateur avisé se dira exactement la même chose à l’endroit de ce nouvel épisode, sans pour autant bouder son plaisir.


(6.5/10)

Sergent_Pepper
6
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le 20 août 2016

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Sergent_Pepper

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